Clio et Calliope
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L'impact de la christianisation


Avec l'édit de Milan en 313, l'Empereur Constantin tolère le christianisme qui devient religion d'état. La persécution prend fin. Désormais protégé et reconnu, le christianisme va peu à peu imposer ses pratiques funéraires dans la Chrétienté. Parmi les premières vagues évangélisatrices en Gaule, celle de St Martin, un ancien militaire romain converti au christianisme, pose les bases du système paroissial médiéval. Trop brutale, cette évangélisation du peuple franc ne donnera pas le résultat espéré et son œuvre n'a pas été suivie.

A la chute de l’empire au Ve siècle, les rites funéraires antiques sont principalement chrétiens dans le sud de la Gaule, endroit urbanisé à forte influence chrétienne. En revanche, au Nord où l’urbanisme est plus rare, la pénétration du christianisme est moins forte et les coutumes païennes perdurent plus facilement. Les nécropoles antiques sont réutilisées et agrandies, toujours placées hors des villes en milieu urbain et proche d’un lieu d’habitation en milieu rural.

Mais peu à peu, des évolutions marquent les différences avec l'Antiquité. Ainsi, l’orientation des morts change. Les corps sont désormais placés est ouest, tête à l’est, c'est-à-dire vers la ville sainte de Jérusalem, ce qui en soit est un très bon indicateur de datation d’une tombe. Si les nécropoles sont réutilisées, il arrive que de nouvelles soient crées à proximité d'anciens lieux funéraires proto - historiques comme les Dolmens. Ces nouveaux cimetières sont souvent désorganisés, il n’y a pas de rangées, ils sont clos et leur saturation est rapide. Il devient alors obligatoire de creuser au même endroit mais moins profondément pour placer le nouveau défunt au dessus d'un autre.

Une autre habitude païenne s'oriente autour du dépôt d'objet de la vie quotidienne dans la tombe. L’Eglise interdit le dépôt d'objet dans les tombes mais l'application est difficile et il est fréquent de trouver dans les tombes médiévales des fibules, agrafes, bijoux ou autres pots à encens (apparu au XIIe siècle). S’ajoute également aux vases et oboles, coutume antique qui perdure, le dépôt d’armes ou de partie de char pour les hommes d'une certaine importance sociale comme les chefs de village. Habitude nouvelle par rapport à l'Antiquité, puisque même le soldat devait, en théorie, rendre ses armes à la fin de sa carrière militaire.

La signalisation d'une tombe pouvait être aérienne (en surface), d’une simple butte à une pierre gravée posée verticalement. C’est notamment grâce à ces pierres que l’on remarque la diversité d'origines du peuple franc où se mêlent des motifs chrétiens comme la croix et des motifs saxons, Germains ou celtes.

Avec l'essor du christianisme, l’Eglise va se battre contre ces pratiques païennes dès le VIe siècle en lançant des missions évangélisatrices comme celle de Saint Colomban afin d’organiser le pays Franc en paroisses, à l’image de ce qu’avait tenté St Martin de Tours deux siècles plus tôt. Les résultats en milieu urbain sont supérieurs au milieu rural où les traditions païennes persistent. L’Eglise élabore des rites précis réglementant la mort, insère la séparation entre l'Enfer et le Paradis et surtout donne aux consciences le sentiment d'un accompagnement spirituel garant de la survie du défunt : répondre aux angoisses et s'occuper des morts pour mieux convertir les vivants.

Mais au début du IXe siècle, une grande partie des campagnes reste encore fidèle aux croyances locales et séculières. Même un décret de Charlemagne qui interdit toute inhumation non chrétienne n’a que peu de conséquences. L'évangélisation de la France ne sera achevée qu'au XIe siècle.

Parallèlement, la désorganisation des nécropoles est de plus en plus importante. Les signalisations aériennes sont rares, les places manquent et il n'est pas rare de repousser les os du corps précèdant pour inhumer le nouveau. Les nécropoles d'origine antique sont alors peu à peu abandonnées au profit du schéma classique encore connu aujourd'hui du regroupement des corps autour de l'Eglise. Plus on est enterré près de l’autel, plus on aura droit au salut de son âme, ainsi les plus riches réservent leur place aux limites des murs de l’église, voir sous l’église même.

Les signalisations des tombes ne sont pas forcément plus marquées après le XIe siècle bien que les pierres tombales apparaissent aux XIIe-XIIIe siècles. Mais la présence d’une grande croix au centre du cimetière donne à l'espace le symbole d'un lieu de refuge dominé par la spiritualité chrétienne. L'apport chrétien change également la position des enfants morts. Si l’enfant n’a pas plus de 11-12 ans, il est alors enterré avec les bras le long du corps ; l’Eglise considérant l’enfant comme une étape intermédiaire avant sa confirmation.

La mort est un très bon moyen pour l’Eglise d’encadrer l’ensemble de la population autour du culte des Saints et d'autres bienfaiteurs chrétiens morts en martyrs d’où la multiplication des reliques que l’on divise en deux catégories. D'une part, les reliques dites directes sont une partie du corps d'un Saint que l’on expose dans un objet précieux adoptant souvent la forme de la partie du corps concerné, c’est un reliquaire (la plupart seront fondus durant la Révolution pour l'argent de la République naissante). D'autre part, les reliques indirectes regroupent des objets liés au Saint : des livres, des vêtements que le saint a touchés. L’intérêt des reliques est de poursuivre la mémoire d'un Saint au travers de son culte et de fédérer une population autour de valeurs communes. Si la relique est précieuse et qu'on lui attribue des miracles, elle attire les fidèles en pèlerinage, celui de Saint Jacques de Compostelle en Espagne est l'un des plus connus.

La mort évoquant le souvenir d'un homme se décline évidemment à titre laïc d'où l'importance des gisants ou des cénotaphes à l'époque médiévale. Le cénotaphe, tombeau élevé à la mémoire du mort sans contenir pour autant son corps, représente le mort dans son aspect le plus beau en occultant les réalités liées à la décomposition (ci-joint, gisant d'un évêque). Il existe toutefois quelques exceptions où le mort est représenté en décomposition comme certains artistes du XVe siècle l'ont fait.

La perception de la mort change dans les mentalités et certaines pratiques ne sont pas forcément des plus "chétiennes". C'est ainsi que même en milieu rural, la réalité populaire marque l'écart avec les exigences de l'Eglise. Les hommes des époques médiévales et surtout modernes (jusqu'à la fin du XVIIIe siècle) considèrent le cimetière comme un lieu de vie. Notre vision de la mort est bien plus douloureuse. On y danse, on y joue, on s’y rencontre et on pratique parfois sur les tombes certains plaisirs de la vie.

En milieu urbain, le problème de l’hygiène reste longtemps sans solution fiable. La démographie galopante à certains siècles ou les épidémies engendrent un plus grand nombre de décès et les cimetières sont vites surpeuplés. Par exemple, le cimetière des Saints Innocents à Paris (anciennement placé sur l'actuelle place des St Innocents) a toujours engendré des problèmes inhérents à un cimetière urbain : insalubrité, mauvaises rencontres. Philippe-Auguste au XIIe siècle décide alors de clôturer l'espace. Mais l'abondance des corps et l'impossibilité pour le cimetière de s'étendre amène à une insalubrité permanente avec les désagréments qui y sont attachés alors même qu'un marché s'était établi aux abords. La vie se développe autour d'un lieu de mort. Pendant dix siècles, ce cimetière accueille les parisiens de 22 paroisses. La densité des corps est telle qu'au XVIIIe siècle, le niveau de la terre était supérieur de 2,5 mètres par rapport à celui de la rue. Des fuites ont pollué les nappes phréatiques et provoquent des épidémies. En 1780 le cimetière est définitivement fermé et une grande partie des corps inhumés sont exhumés pour être déplacés au sein des catacombes parisiennes d'où les enchevêtrements de crânes ou d'os long que l'on y retrouve encore aujourd'hui.

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