Jan Van Eyck peint ici vers 1435 l'un des chefs-d'œuvre de son temps, représentatif de la renaissance flamande et abrité au musée du Louvre. La scène représente le chancelier Rolin, mécène du peintre, agenouillé en adoration devant la Vierge à l'enfant, couronnée par un ange. Construite dans une architecture somptueuse, la scène est ouverte sur un paysage fourmillant de détails par trois arcades laissant la perspective courante vers l'horizon. La notion de perspective est relativement récente en 1435. Née en Italie au début du XIVe siècle, elle est dans un premier temps simple, discrète avant de devenir plus profonde, comme s'est le cas ici, et de s'imposer comme un élément clé de la renaissance.
On doit également à Van Eyck le développement de la technique de la peinture à l'huile, véritable révolution par rapport à la tempera, peinture à l'eau utilisée auparavant. Outre la qualité artistique de la conception, la peinture sur huile permet une bien meilleure conservation de l'œuvre.
Mais quels messages attacher à ce tableau ? On pourrait d'abord songer à la piété du chancelier au regard de sa position agenouillée, les mains jointes devant un livre à connotation assurément religieuse. Il porte un manteau riche de velours et de fourrure, dans des tons brun et ocre, élément extérieur de sa puissance. Mais l'œuvre n'est pas réalisé pour évoquer l'homme ou sa richesse puisque l'on sait par ailleurs que le peintre a effacé sur la requête du commanditaire, la bourse que le chancelier portait à la ceinture, signe sans doute trop ostensible de richesse !
La couleur de ses vêtements couplée au bleu du velours du meuble sur lequel le chancelier pose ses coudes sont des tons plutôt froids, servant peut-être à mettre en valeur l'humilité du chancelier, mais qui s'opposent aux tons plus chauds du manteau rouge de la Vierge flamboyante.
Flamboyante et imposante, la Vierge est couronnée par un ange aux ailes chamarrées. La couronne qu'il porte est elle-même une merveille d'orfèvrerie. Quant au Christ, il porte dans sa main un globe surmonté d'une croix : c'est le globe du monde. Faut-il en déduire que le couple mère-fils détient le pouvoir sur le monde ?
Le cadre fourmille également de détails, parfois minuscules (moins d'un millimètre pour beaucoup !) tendant à rappeler l'Empire de Marie. Ainsi, par exemple, les colonnes du fond écrasent un lapin et un renard, symboles respectifs de l'amour charnel et du diable, et des églantines, symboles mariaux poussent dans le jardin. La ville à l'arrière plan ne semble pas pouvoir être identifiée à une ville connue mais il peut s'agir de Jerusalem dont le pont enjambant le fleuve peut symboliser la liaison entre Dieu et les hommes.
De même, la Vierge regarde vers la terre, sur laquelle elle règne et qu'elle protège, tandis que le Christ a un geste de bénédiction envers le chancelier, et par là même envers tous les Hommes.
La Vierge au Chancelier Rolin est une œuvre où tout, de l'infiniment grand -le paysage infini- jusqu'à l'infiniment petit -les boutons de rose et les lys- concourent à l'exaltation du Divin. C'est aussi une prouesse technique, qui se détache de la peinture médiévale par la perspective, la représentation vivante des traits du visage du chancelier et par les couleurs qui font pénétrer le spectateur dans un monde harmonieux.
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