Le retable d'Issenheim est une œuvre fascinante que l'écrivain Huysmans a décrit en ces mots : "Ce Christ au tétanes n'était pas le Christ des riches, l'Adonis de Galilée, le bellâtre bien portant, le joli garçon aux mèches rouses, à la barbe divisée, aux traits chevalins que depuis quatre cents ans les fidèles adorent. C'était le Christ des pauvres"
Evidemment, il n'y a pas que le retable d'Issemheim dans le musée d'Unterlinden ni à Colmar mais ce tableau à volets vaut en lui-même le déplacement. Sa paternité déjà est énigmatique et a fasciné les historiens et les spécialistes : plus d'un millier d'études portent sur le peintre et son œuvre : On l'appelle Grünewald par commodité mais on doute même de la date à laquelle l'œuvre dut composée (entre 1510 et 1516 vraisemblablement). Les sculptures, elles, sont attribuées à Nicolas de Hagueneau.
Composé pour l'Eglise du couvent des Antonistes d'Issemheim, ordre spécialisé dans le traitement du "mal des ardents" ou "feu de St Antoine", le retable y servait à la dévotion des malades, il était exposé dans l'Eglise, et ouvert de différentes façons selon les jours. Les statues du compartiment central n'étaient ainsi visibles qu'à la fête de St-Antoine.
Les nombreuses pièces composantes du retable ont été dispersées lors de la révolution et ce n'est qu'en 1930 qu'il est reconstitué après de nombreuses recherches pour en retrouver l'ordre. Mais l'originalité de l'œuvre réside surtout dans la crucifixion que l'on trouve sur les deux premiers volets. La composition d'emblée est étrange puisque la croix est déportée sur la droite et le Christ est représenté déjà mort la tête coiffée d'une couronne d'épines. Les doigts crispés, le corps maigre et couvert d'échardes, les yeux fermés, la tête baissée montrent toute la douleur dans ce qu'elle a d'humain c'est à dire violente, terrifiante et répugnante.