Gustave Courbet est l'une des figures les plus marquantes des oppositions culturelles et politiques du XIXe siècle. Ses opinions radicales mais surtout sa manière de représenter le monde à travers la peinture a provoqué contre lui des critiques parfois très vives provenant de Gautier, Dumas ou même Baudelaire. Les règles de l'Académie le rebutent, il apprend seul et décide de représenter ce qu'il voit au plus fidèle: c'est le réalisme. L'enterrement à Ornans, loin d'être la toile la plus provocante, marque déjà le ton, il a trente deux ans. Premier élément qui suscita l'indignation, le format de la peinture : long de 7 mètres, panoramique, c'est un format normalement réservé aux grandes scènes religieuses ou historiques et non aux représentations où les scènes populaires sont mises en valeur. Autre élément, cette manière de monter la pauvreté du peuple avec une obscurité dominante (le temps a accentué cette impression) comme une provocation, une exagération qui vaudra à Courbet d'être surnommé le "peintre du laid". Choquer et provoquer fait vendre, Courbet l'avait compris, quand il peint en plan rapproché (des cuisses aux seins) un sexe de femme, en 1866. Il intitule le tableau L'Origine du monde, un réalisme cru, brutal, une provocation esthétique, morale et anticléricale, Courbet gène. Il est emprisonné, on l'évite, on le critique, et même la troisième République née de la défaite de 1871 s'attaque à lui. Il se réfugie en Suisse pour y mourir en 1877. Bien qu'il bénéfice de mécènes, Courbet est trop brutal, trop direct et ne parvient pas à se faire reconnaître du grand public et des Institutions en France, si bien qu'en 1855, lors de l'exposition universelle, il est refusé mais installe à deux pas du bâtiment officiel un pavillon qu'il dédie au réalisme . Il y vend ses toiles et des reproductions sur d'autres supports. Il connaît alors un succès dans les pays du nord. Pourtant l'opposition entre la bourgeoisie et le peuple que certains ont constatée dans cette œuvre est simpliste, la réalité étant plus nuancée. Des études récentes montrent que les 47 personnages de la scène représentent non une classe sociale mais un ensemble sociologique homogène, représentatif de la variété du village : le prêtre, le paysan ou le bourgeois, des personnages que Courbet connaissait pour beaucoup personnellement, Ornans étant son village natal. Mais au delà de la représentation réaliste, le tableau garde son mystère quant à sa véritable signification. L'enterrement pourrait être celui du romantisme, ou mieux, de la seconde République qui rentre en sursis après l'élection de Napoléon III en tant que Président. La dimension secondaire de la toile suscite nombre d'interrogations.