Clio et Calliope
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Les guerres de religion en France 1559-1598

Le roi doit être sauvé Le roi doit être destitué La reconquête d'un royaume

Le succès d'une différence

Le XVIe siècle s'ouvre sur une Europe en doute et en recherche d'une meilleure spiritualité. Une quête qui est le résultat d'épreuves que l'homme a subi pendant le moyen âge qui vient de refermer ses portes. La peste noire du XIVe siècle décima le tiers de la population Européenne et laissa une cicatrice énorme dans les consciences. La guerre de cent ans, avec sa durée et ses violences porta également un rude coup sur les esprits.

A ces faits passés s'ajoute l'état de délabrement avancé de l'Eglise catholique : curés ivrognes, prélats négligeants, moines plus intéressés par les ressources financières que par l'entretien des édifices, les fidèles sont outrés de ces comportements. Ils se sentent moins proches de Dieu, ils n'ont plus les réponses spirituelles qu'ils demandent. Les prêches sont souvent perçus comme un enchevêtrement de sacro-saintes vérités incomprises auprès de fidèles qui ignorent le latin.

Un mouvement de contestation apparaît dès le début du XVIe siècle par la voix des humanistes. Ceux-ci affirment que si le fidèle se détourne de la Foi, c'est parce qu'il ne la comprend pas, parce qu'il n'y a pas accès. Il faut alors mettre à leur portée les Vérités de l'Ecriture Sainte, placer le fidèle au centre de la connaissance de Dieu. Un petit groupe d'humanistes et de théologiens se réunit autour de l'évêque de Meaux, Guillaume Briçonnet, dans les années 1520. Un autre humaniste, Lefèvre d'Etaples, traduit la Bible du latin au français dans l'optique de diffuser son contenu en langue connue. Mais tous agissent sous couvert de la Foi catholique; la remise en cause de l'Eglise doit se conclure par des réformes "pédagogiques": il ne s'agit en aucun cas de remettre en doute des valeurs essentielles comme le purgatoire ou la Sainte-Cène.

Or, un autre groupe n'hésite pas à en douter, ils agissent avec plus d'acharnement et de véhémence : les Protestants. La Réforme débute brusquement sous la plume d'un moine allemand, Martin Luther, qui en 1517 croit avoir trouvé la solution face à l'angoisse des fidèles. Choqué par les indulgences (ces dons en nature ou en argent pour s'assurer le salut), il placarde sur la porte de l'Eglise de Wittenberg ses 95 thèses, la base de la Foi protestante. Dès lors, la diffusion se développe rapidement grâce à l'imprimerie. Une diffusion clandestine puisque les Thèses de Luther sont considérées par l'Eglise comme hérétiques. On place les livres dans des tonneaux de sel, on se les passe sous le manteau, certains ont même une taille si réduite qu'ils peuvent être cachés dans un chignon! La Foi protestante est une virulente remise en question des dogmes essentiels :

· Les Protestants refusent de vénérer les Saints, même la Vierge, considérés comme de l'idolâtrie: les images sont alors exclues du culte au contraire des catholiques, qui les vénèrent. C'est alors l'occasion pour les protestants de saccager une église et détruire les images qu'elle abrite (voir gravure ci-dessous).

· Autre divergence importante : la Sainte-Cène. Pour les catholiques, le pain et le vin équivalent au corps et au sang du Christ alors que les Protestants n'y voient qu'un symbole.

· La réponse protestante face à la mort ne fait pas de place au choix entre enfer et paradis et laisse le Purgatoire aux portes de leur croyance. Ce n'est qu'une affabulation : le fidèle accède directement à la grâce de Dieu par la Foi seule. Ses actes (bonnes œuvres, dons) n'ont pas d'influence directe sur le salut de son âme.

· L'approche protestante de la religion laisse le fidèle dans la lumière de la connaissance puisque que chacun doit avoir accès régulièrement à la Bible, traduite en langue connue. Une plus grande liberté est donnée aux pasteurs puisqu'il ont la possibilité de se marier.

Sainte-Cène, Purgatoire, culte des Saints ne sont que blasphèmes, hérésies et scandales pour Rome. Le Pape excommunie Luther devant son refus d'abandonner sa foi mais rien n'empêche le formidable essor de cette nouvelle spiritualité. Des seigneurs allemands l'adoptent, ce qui les fait directement entrer en conflit avec l'empereur Charles Quint: les premiers conflits armés entre catholiques et protestants se déroulent en Allemagne et se soldent par le basculement d'une partie de la chrétienté dans la Foi protestante.

En France, aucun soutien politique n'existe et les Réformés français se cachent en attendant une réaction du pouvoir politique. Or, le roi François Ier, un temps neutre, est scandalisé en 1534 quand il découvre sur la porte de sa chambre une affiche placardée qui attaque vivement la religion catholique, qualifiant de "loups" ceux qui la pratiquent. Le roi se sent directement visé, il se rend compte que la Réforme n'est pas une pensée sans importance puisqu'elle vient s'exprimer jusqu'à ses appartements privés! Il va dès lors autoriser les premiers bûchers, la jeunesse française va brûler sur les places des villes avec la conviction qu'ils sont les martyrs de Dieu. Le feu est la solution idéale pour éliminer ce qui est considéré comme une maladie, au même titre que la peste. De plus, les flammes rappellent l'image de l'enfer et de la damnation éternelle.

A défaut d'un pouvoir politique, les réformés français trouvent un guide spirituel en la personne de Jean Calvin. Cet humaniste picard, en se réfugiant à Genève et en y prenant le pouvoir, trouve un espace dans lequel il peut mettre en pratique sa pensée religieuse et politique. Celle-ci diffère un peu celle de Luther mais s'en inspire nettement. De cette ville partent les théologiens de la Réforme d'où une contagion particulièrement rapide : Dauphiné, Gascogne, Béarn se remplissent de ces "mal sentans de la Foy" et les autorités religieuses s'alarment. Quand ce n'est pas de Genève, la diffusion vient de Metz ou Strasbourg, relayée par de farouches fidèles qui viennent prêcher dans les villages. Rapidement, des communautés s'organisent et prient indépendamment de la volonté de Rome.

Sous le règne d'Henri II (1547-1559), la répression atteint son paroxysme, les arrestations, procès et bûchers se multiplient mais rien n'y fait. La Réforme ne fait pas de distinction sociale et touche du plus humble paysan aux grands noms du Royaume : le Prince de Condé, la reine de Navarre embrassent le protestantisme. En 1560, on dénombre près de 2 millions de protestants, soit 10% de la population! Entre volonté de diffuser la nouvelle Foi et volonté répressive du pouvoir politique, les esprits s'échauffent et les hommes commencent à prendre les armes dès 1560, année qui ouvre les prémices d'un conflit fratricide qui durera près de quarante ans…

Le roi doit être sauvé

Déjà, sous le règne d'Henri II, les protestants se plaignaient d'un mal encore plus dangereux que le catholicisme : la famille de Guise. Deux frères, François et Charles de Guise, sont auprès du roi et mènent avec lui une répression farouche. Pour eux, la Réforme est une hérésie qu'il faut combattre dans le sang et ceux qui y adhérent ne sont plus considérés comme sujets du roi, n'ayant plus la même religion que lui. Les protestants accumulent leur haine sur les Guise, coupables selon eux d'influencer le roi et de l'empêcher d'agir librement. En réalité bien sûr, Henri II ne voulait pas agir autrement qu'en éradiquant les protestants. Mais ceux-ci ne pouvaient, au regard de la pensée politique de Calvin qu'ils suivent, s'attaquer au roi. Ils ne pouvaient lui résister tant il incarnait l'autorité venue de Dieu. Dans ce contexte, la seule possibilité était de se rendre auprès du roi pour tenter de lui expliquer qu'ils ne sont ni séditieux, ni hérétiques, ni monstrueux mais de simples sujets désireux d'aimer Dieu autrement.

Ils se réunissent alors en 1559 et rédigent une Confession de Foi dans laquelle ils s'expliquent. Ils ne remettent pas en cause l'autorité du roi. Mais l'idée est difficile à accepter dans un Royaume où être sujet implique d'être catholique. L'explication est posée sur papier, reste à approcher le roi. Quand Henri II meurt subitement cette année d'un coup de lance dans l'œil, son fils François II lui succède. Pour les protestants, c'est l'occasion idéale d'agir mais agir dans l'urgence car le nouveau roi est jeune et son esprit est vulnérable aux propos des Guise. Il faut le protéger ainsi que sa mère Cathérine, régente, avant que les Guise, crainte suprême des protestants, n'usurpent le trône de France. L'impossibilité de voir le roi, le danger permanent incarné par les Guise, certains protestants vont agir autrement que ce que leur autorise Calvin. Ils se réunissent et organisent une conjuration pour enlever la famille royale des mains des Guise. Ce sera à Blois en mars 1560. Les Guise, informés de l'action, amènent la famille à Amboise, demeure médiévale plus protégée, c'est ici que sera donné l'assaut.

Mais celui-ci est un échec, les Guise mettent en déroute certains et en massacrent d'autres. Les derniers seront pendus sur les balcons du château (voir photo prise du balcon donnant sur celui qui a servi à pendre les conjurés). Amboise est le premier acte armé de la période des troubles liée à la Réforme française. Il témoigne d'une véritable pensée politique où la motivation religieuse paraît plus secondaire. Déjà, en 1560, une ligne de conduite est donnée, elle sera la même jusqu'à la Saint-Barthélémy. Il s'agit de libérer un roi de mains diaboliques: ce n'est pas "contre le Roy, ni contre le Royaume que nous avons pris les armes, mais tout au contraire c’est pour le Roy nostre Souverain Seigneur, & pour les siens." 1

Pour la première fois, un acte de résistance active est tenté par des protestants mais son échec ne s'explique pas uniquement par un manque de prudence et de discrétion. Aucun soutien de grands personnages ne permettait de donner à ce mouvement l'ampleur nécessaire. Le roi de Navarre, dont la sensibilité religieuse est changeante n'y participe pas; quant au Prince de Condé, il refusa toujours d'y participer personnellement.

Tout change en 1562. Il manquait à Condé une raison officielle pouvant justifier un conflit contre les Guise. Ce sont eux qui le lui donneront à travers un massacre. C'est ainsi que cette année là, après l'échec d'une tentative d'entente entre les deux camps à Poissy en 1561, des protestants se réunissent pour un prêche dans la grange de Wassy, en Champagne-Ardennes (représentation à gauche). François de Guise en allant sur Paris, les trouve. Il donne l'assaut, c'est un massacre. Désormais, la guerre est déclarée, d'autant plus que le massacre de Wassy est perçu chez les protestants comme une atteinte à l'autorité du roi, comme un élément supplémentaire qui montre qu'il fut protéger le jeune Charles IX. Le discours politique est rodé, sauver le roi, libérer la France de ces Guise, ces Lorrains, ces étrangers perturbateurs!

De 1562 à 1572, trois guerres se succèdent. La première, 1562-1563, donne aux protestants une liberté de culte grâce à l'édit d'Amboise. C'est la première fois que l'état reconnaît leur différence, première victoire qui s'inscrit dans une politique de tolérance menée par Cathérine de Médicis. Il s'établit, entre 1562 et 1567, une brève période de paix et de confiance réciproque (Guise exclus).

Mais la peur de voir les Lorrains toujours à portée d'influence, la peur provoquée par un mouvement de troupes espagnoles, amènent à la seconde guerre (1567-1568). Rien ne sortira de celle-ci si ce n'est une grande frayeur de la famille royale qui a failli être capturée par les protestants.

La troisième guerre, 1568-1570, voit la mort atroce du Prince de Condé en 1569, assassiné sans respect des lois de la guerre à Jarnac. A la fin de la bataille, Condé est bloqué sous son cheval, un capitaine catholique vient l'achever d'un coup de pistolet sur ordre de son gouverneur. Son cadavre sera exposé pendant trois jours, il était un Grand du Royaume mais peu importait sa naissance, il était protestant avant tout. Le conflit apporte cependant deux éléments importants: des places de sûreté comme la Rochelle sont accordées aux protestants et l'un de leurs nouveaux chefs, L'Amiral de Coligny, entre dans le cercle restreint des hommes de pouvoir entourant le roi. Le parti protestant a désormais un meneur auprès du roi, un contre pouvoir face aux Guise, c'est l'aboutissement de la pensée politique menée jusque là.

Pourtant la France n'a pas encore connu le pire. L'année 1572 marque une rupture nette dans la pensée politique et les relations entre catholiques et protestants. Les massacres de la Saint-Barthélémy font rentrer la France dans une longue période qui va la diviser et l'appauvrir.

Le roi doit être destitué

En août 1572, Paris se prépare à un événement qui était pourtant des plus improbables quelques années plus tôt : le mariage d'un protestant et d'une catholique de grand nom : Henri de Navarre, le futur Henri IV et Marguerite de Valois, fille de la reine de France. Ce mariage est une manœuvre politique de la reine avec une forte portée symbolique : un message de réconciliation naît de cette union. Si deux grands du Royaume se marient, derrière eux c'est tous les Français avec leurs divergences religieuses qui peuvent en faire autant, la paix serait-elle proche?

Pourtant ce mariage sera l'une des causes du plus grand massacre de l'histoire de France dont près de 100 000 personnes (estimation imprécise) seront victimes. Durant ce mois d'août 1572, la présence protestante agace les parisiens, toujours fidèlement ancrés à leur foi catholique, et on les reconnaît sans peine dans les rues de la capitale: ils portent un sombre accoutrement noir avec un col blanc, ils sont en groupe, on les craint. De plus, la chaleur est accablante à Paris, elle pèse sur les esprits et accentue le malaise. Mais rien n'aurait aboutit que le pouvoir n'aurait provoqué. Or, la reine, elle, est agacée par l'Amiral de Coligny, récemment parvenu à la cour. Ce protestant, Grand du Royaume de France, veut fonder la politique extérieure du Royaume sur l'aide militaire à apporter aux Protestants des Pays-Bas, soulevés depuis des années contre le pourvoir du roi d'Espagne, patrie ô combien catholique et conservatrice (c'est elle qui utilisa abondamment l' Inquisition). Coligny influence le roi pour qu'il lance l'offensive. La reine sait très bien que si la France choisit de défendre les révoltés, cela signifie le basculement de la France dans le camp protestant aux yeux du Pape et de Philippe II, roi d'Espagne. La reine n'envisage pas un instant cette possibilité.

La solution passe par l'élimination de Coligny. Un matin, alors qu'il se rend au Louvre, il est blessé par une flèche lancée d'une maison. Cependant il ne succombe pas et déjà les protestants crient vengeance après cet acte de traîtrise.

Il va alors se jouer une scène des plus macabres où tout Paris va se soulever au cri de "Mort, mort, tue ce huguenot". En trois jours, Paris voit accumuler les cadavres, les portes de la ville sont fermées, on ne peut en sortir. Même au Louvre, dans le palais de la famille royale, les massacres n'épargnent pas ses occupants. Dehors, le peuple est encouragé par des prêtres extrémistes qui donnent leur bénédiction, pire, le roi de France aurait déclaré : "Tue-les tous, mais qu'il n'en reste pas un pour venir me le reprocher." Avec la bénédiction de l'Eglise et l'autorisation du roi, les meurtriers agissent sous la plus complète impunité et légitimité. A cet égard, plus que l'image ci-dessus une scène du film "la Reine Margot" montre très bien cette atmosphère tragique. A la fin du massacre, le 28 août, les rares protestants vivant sont cachés, Coligny a été assassiné mais la reine a voulu garder prisonnier Henri de Navarre qui doit se convertir de force. Dans les mois suivants, d'autres villes prennent exemple sur Paris et massacrent les protestants qui les composent. Lyon, Toulouse, Orléans se livrent aux mêmes atrocités.

Le retentissement de ce massacre a été énorme. Le Pape, de son côté, envoie sa bénédiction et fonde une médaille en souvenir de l'événement (voir ci-joint) où l'on voit Charles IX écraser les restes des protestants. Ceux-ci vont réagir très vivement et développer une pensée politique souvent très véhémente à l'égard de la monarchie et ce jusqu'en 1584. Dès 1573, une grande partie du sud et sud-ouest, là où la présence protestante est bien plus forte, fait cessation avec le pouvoir de Paris : les Etats-Unis du Midi sont nés.

Les protestants s'organisent eux-mêmes, perçoivent les impôts, renforcent une armée permanente pour assurer la sécurité, s'assurent du pouvoir municipal et remplacent ainsi petit à petit l'administration royale. Désormais le roi, sur lequel on comptait jusqu'à présent, n'est plus un interlocuteur fiable. Pour les Protestants, il a manqué à un devoir essentiel : la sécurité de ses sujets et s'est par conséquent éloigne de la volonté de Dieu: la résistance armée ne pose plus aucun doute.

La réaction est aussi purement politique, une pensée très anti-monarchiste se développe. Des ouvrages comme Du droit des Magistrats sur leurs sujets de Théodore de Bèze ou Revendications contre les Tyrans remettent en cause le système politique, le qualifiant de tyrannie. Il a perdu toute légitimité car il a enfreint ses obligations vis-à-vis de Dieu. Ces ouvrages, comme d'autres, déterminent le comportement à adopter dans cette situation et posent les limites de l'obéissance au pouvoir. Bien avant les Lumières, les protestants réfléchissent sur la notion de roi et de pouvoir. Mais la critique du gouvernement et de la monarchie se trouve chez les catholiques qui reprochent au roi de ne pas avoir su régler le problème protestant et vont même pactiser avec eux! Les années 1570 éloignent le peuple Français de son roi et l'idée de régicide parcours les routes de France.

De 1572 à 1584, la France sera également marquée par quatre guerres de religion dans lesquels l'impact politique est constamment présent, voire même parfois dominateur. Ainsi, quand meurt Charles IX en 1574, c'est son frère, Henri III, qui reprend le trône. Or, il est loin de faire l'unanimité et la cinquième guerre de 1574 voit se dessiner une formation politique annonçant les années à venir : la séparation des camps entre catholiques d'un côté et protestants de l'autre. C'est ainsi qu'en 1574, les protestants s'unissent à des catholiques modérés, les Malcontents, et poussent Henri III à convoquer les Etats Généraux pour régler le conflit. Deux ans plus tard, devant l'incapacité du roi à choisir un camp, les Guise forment la première Ligue catholique, une organisation d'ultra-catholiques regroupant des Grands des villes et des soldats capables de contrebalancer l'influence adverse. Entre les deux, le roi Henri III n'arrive pas à s'affirmer. Ces guerres sont violentes et chaque camp se partage les horreurs des exactions commises, crime politique, massacres, destruction des images de culte. La violence se répand rapidement, relayée par des prêches qui échauffent régulièrement les esprits. Ce sont des violences purificatrices qui invoquent un Dieu vengeur, des violences dans lesquelles même les enfants peuvent achever un homme à terre, agonisant.

La Ligue accentue la division d'un pays déjà affaibli: l'autorité du roi est à peine reconnue et bientôt, avec l'année 1584, cette séparation politique et confessionnelle va s'amplifier dans l'urgence car 1584 marque un fait nouveau et alarmant : Henri de Navarre peut être roi de France!

 

La reconquête d'un royaume

1584, année terrible pour la Ligue car elle pose le problème épineux de la succession au trône de France. Si Henri III n'a pas d'enfant, le trône revient à son frère le Duc d'Alençon. Or, celui-ci meurt cette année-là et au regard des lois françaises qui régissent le choix du roi, le plus proche parent est Henri de Navarre. Un protestant sur le trône de France! Impossible. Les Guise ne l'acceptent pas et avec eux une bonne partie de la population. La mort du duc d'Alençon sonne le moment d'un renforcement de la Ligue catholique qui s'enferme dans un radicalisme appuyé par le soutien Espagnol. A Paris, la Ligue forme un gouvernement révolutionnaire autour de seize hommes. Avec une milice bourgeoise et un soutien populaire, la ville plonge dans la sédition.

Les dernières années de règne d'Henri III sont marquées par l'influence de la Ligue sur les Français si bien que, dans une dernière tentative politique, le roi s'unit à Henri de Navarre l'ex épargné de la Saint-Barthélémy qui a pu s'enfuir du Louvre en 1576. Ensemble, ils gagnent des batailles contre la Ligue (celle de Coutras en 1587) et le roi va jusqu'à faire assassiner Henri de Guise dans le château de Blois en décembre 1588, espérant ainsi décapiter le mouvement ligueur. La fureur n'en est que plus grande et Henri III le payera de sa vie en étant poignardé en août 1589, par le moine Jacques. Cependant, avant de mourir, le roi se résout à admettre qu'Henri de Navarre est son successeur. Avec son dernier souffle s'envole la dynastie des Valois, régnante depuis 1328.

La nouvelle tant redoutée par les catholiques tombe : Henri de Navarre sera roi de France, ce qui n'a rien pour calmer les esprits. De nombreuses villes refusent de lui obéir, le nouveau roi n'a pas de Capitale, a un titre discuté, et un royaume divisé. De plus, les troupes espagnoles, pour soutenir la Ligue, entrent en territoire Français: Henri de Navarre devenu Henri IV doit reconquérir son Royaume.

Les sources imprimées de l'époque montrent ce combat d'idées entre partisans et opposants au roi. Les uns refusent de le reconnaître, les autres finissent par préférer la "concorde civile" à un conflit qui appauvrit le pays depuis quarante ans et qui, avec l'entrée des troupes espagnoles, pose un risque sur la pérennité de la France. Certaines sources poussent au régicide, méthode déjà utilisée avec Henri III. Une guerre d'influence se joue à travers ces textes qui racontent avec gloire une victoire et avec mépris les agissements ennemis. Le livre est devenu une arme depuis l'invention de l'imprimerie: il est désormais facile d'écrire et de diffuser une rumeur, c'est ainsi qu'un partisan de la Ligue écrit en 1590 qu'Henri IV aurait dit "c'est mon intention de ruyner la Papauté"2 , petite phrase piquante faite pour le désavouer.

Cependant, petit à petit et au prix de victoires comme celle d'Ivry en 1591, certaines villes reviennent sous la domination royale comme Grenoble, Provins mais Paris reste ligueuse! Comment un roi peut t-il régner sans Capitale?

C'est alors que le roi, devant l'urgence de la situation, fait passer la notion de raison d'Etat avant la religion et fait déclarer aux catholiques en mai 1593, lors de l'assemblée tenue à Surennes, qu'il désire se "resoudre avec eux de tous les poincts concernans la religion Catholique" 3, c'est à dire se convertir. Dès lors, cette manœuvre politique affaiblit la Ligue et les villes se rendant au roi se multiplient. Même Paris, qui "vaut bien une messe", va ouvrir ses portes (voir au dessus représentation de cet événement par un peintre du XIXe siècle). La paix passe par la conversion en juillet 1593 puis le Sacre l'année suivante. Enfin, Henri IV est reconnu comme roi. Sa tâche sera désormais de chasser les Espagnols de France, ce qu'il fait à la fin des années 1590. Pour ce faire, à côté des batailles, s'ajoute une propagande faisant du roi l'exemple du patriotisme.

L'année 1598 marque la résolution des troubles militaires et des divergences religieuses. Le 13 avril, le roi signe le fameux édit de Nantes, qui reprend de nombreuses closes déjà existantes dans les autres édits signés depuis 1560. Par cet édit, le roi met en place un système de reconnaissance de la différence tout en laissant le catholicisme comme religion d'état. La tolérance des protestants est officielle mais elle plus synonyme de résignation que de tolérance. Le roi est le garant de la paix et de la bonne entente d'un Royaume pourvu de deux Fois. Le roi doit intervenir personnellement en 1599 au parlement de Paris pour que celui-ci l'enregistre, c'est à dire l'approuve (image de gauche). Le 2 mai, le traité de Vervins établit la paix avec l'Espagne, la France est épargnée par ses armées. Il reste au roi de France, l'un des plus connus et des plus aimés de notre histoire, de redresser l'économie du pays, ruinée par quarante années de guerres civiles qui ont fait au moins un million et demi de morts. Pourtant les guerres de religion ne sont pas finies, elles reprendront sous Louis XIII avec le siège de la Rochelle où d'autres héros français s'illustreront, tout en étant immortalisés par Alexandre Dumas dans ses "Trois mousquetaires".