Le XVIe siècle s'ouvre sur une Europe en doute et en recherche d'une meilleure spiritualité. Une quête qui est le résultat d'épreuves que l'homme a subi pendant le moyen âge qui vient de refermer ses portes. La peste noire du XIVe siècle décima le tiers de la population Européenne et laissa une cicatrice énorme dans les consciences. La guerre de cent ans, avec sa durée et ses violences porta également un rude coup sur les esprits.
A ces faits passés s'ajoute l'état de délabrement avancé de l'Eglise catholique : curés ivrognes, prélats négligeants, moines plus intéressés par les ressources financières que par l'entretien des édifices, les fidèles sont outrés de ces comportements. Ils se sentent moins proches de Dieu, ils n'ont plus les réponses spirituelles qu'ils demandent. Les prêches sont souvent perçus comme un enchevêtrement de sacro-saintes vérités incomprises auprès de fidèles qui ignorent le latin.
Un mouvement de contestation apparaît dès le début du XVIe siècle par la voix des humanistes. Ceux-ci affirment que si le fidèle se détourne de la Foi, c'est parce qu'il ne la comprend pas, parce qu'il n'y a pas accès. Il faut alors mettre à leur portée les Vérités de l'Ecriture Sainte, placer le fidèle au centre de la connaissance de Dieu. Un petit groupe d'humanistes et de théologiens se réunit autour de l'évêque de Meaux, Guillaume Briçonnet, dans les années 1520. Un autre humaniste, Lefèvre d'Etaples, traduit la Bible du latin au français dans l'optique de diffuser son contenu en langue connue. Mais tous agissent sous couvert de la Foi catholique; la remise en cause de l'Eglise doit se conclure par des réformes "pédagogiques": il ne s'agit en aucun cas de remettre en doute des valeurs essentielles comme le purgatoire ou la Sainte-Cène.
Or, un autre groupe n'hésite pas à en douter, ils agissent avec plus d'acharnement et de véhémence : les Protestants. La Réforme débute brusquement sous la plume d'un moine allemand,
Martin Luther, qui en 1517 croit avoir trouvé la solution face à l'angoisse des fidèles. Choqué par les indulgences (ces dons en nature ou en argent pour s'assurer le salut), il placarde sur la porte de l'Eglise de Wittenberg ses 95 thèses, la base de la Foi protestante. Dès lors, la diffusion se développe rapidement grâce à l'imprimerie. Une diffusion clandestine puisque les Thèses de Luther sont considérées par l'Eglise comme hérétiques. On place les livres dans des tonneaux de sel, on se les passe sous le manteau, certains ont même une taille si réduite qu'ils peuvent être cachés dans un chignon! La Foi protestante est une virulente remise en question des dogmes essentiels :
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Les Protestants refusent de vénérer les Saints, même la Vierge, considérés comme de l'idolâtrie: les images sont alors exclues du culte au contraire des catholiques, qui les vénèrent. C'est alors l'occasion pour les protestants de saccager une église et détruire les images qu'elle abrite (voir gravure ci-dessous).
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Autre divergence importante : la Sainte-Cène. Pour les catholiques, le pain et le vin équivalent au corps et au sang du Christ alors que les Protestants n'y voient qu'un symbole.
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La réponse protestante face à la mort ne fait pas de place au choix entre enfer et paradis et laisse le Purgatoire aux portes de leur croyance. Ce n'est qu'une affabulation : le fidèle accède directement à la grâce de Dieu par la Foi seule. Ses actes (bonnes œuvres, dons) n'ont pas d'influence directe sur le salut de son âme.
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L'approche protestante de la religion laisse le fidèle dans la lumière de la connaissance puisque que chacun doit avoir accès régulièrement à la Bible, traduite en langue connue. Une plus grande liberté est donnée aux pasteurs puisqu'il ont la possibilité de se marier.
Sainte-Cène, Purgatoire, culte des Saints ne sont que blasphèmes, hérésies et scandales pour Rome. Le Pape excommunie Luther devant son refus d'abandonner sa foi mais rien n'empêche le formidable essor de cette nouvelle spiritualité. Des seigneurs allemands l'adoptent, ce qui les fait directement entrer en conflit avec l'empereur Charles Quint: les premiers conflits armés entre catholiques et protestants se déroulent en Allemagne et se soldent par le basculement d'une partie de la chrétienté dans la Foi protestante.
En France, aucun soutien politique n'existe et les Réformés français se cachent en attendant une réaction du pouvoir politique. Or, le roi François Ier, un temps neutre, est scandalisé en 1534 quand il découvre sur la porte de sa chambre une affiche placardée qui attaque vivement la religion catholique, qualifiant de "loups" ceux qui la pratiquent. Le roi se sent directement visé, il se rend compte que la Réforme n'est pas une pensée sans importance puisqu'elle vient s'exprimer jusqu'à ses appartements privés! Il va dès lors autoriser les premiers bûchers, la jeunesse française va brûler sur les places des villes avec la conviction qu'ils sont les martyrs de Dieu. Le feu est la solution idéale pour éliminer ce qui est considéré comme une maladie, au même titre que la peste. De plus, les flammes rappellent l'image de l'enfer et de la damnation éternelle.
A défaut d'un pouvoir politique, les réformés français trouvent un guide spirituel en la personne de
Jean Calvin. Cet humaniste picard, en se réfugiant à Genève et en y prenant le pouvoir, trouve un espace dans lequel il peut mettre en pratique sa pensée religieuse et politique. Celle-ci diffère un peu celle de Luther mais s'en inspire nettement. De cette ville partent les théologiens de la Réforme d'où une contagion particulièrement rapide : Dauphiné, Gascogne, Béarn se remplissent de ces "mal sentans de la Foy" et les autorités religieuses s'alarment. Quand ce n'est pas de Genève, la diffusion vient de Metz ou Strasbourg, relayée par de farouches fidèles qui viennent prêcher dans les villages. Rapidement, des communautés s'organisent et prient indépendamment de la volonté de Rome.
Sous le règne d'Henri II (1547-1559), la répression atteint son paroxysme, les arrestations, procès et bûchers se multiplient mais rien n'y fait. La Réforme ne fait pas de distinction sociale et touche du plus humble paysan aux grands noms du Royaume : le Prince de Condé, la reine de Navarre embrassent le protestantisme. En 1560, on dénombre près de 2 millions de protestants, soit 10% de la population! Entre volonté de diffuser la nouvelle Foi et volonté répressive du pouvoir politique, les esprits s'échauffent et les hommes commencent à prendre les armes dès 1560, année qui ouvre les prémices d'un conflit fratricide qui durera près de quarante ans…