En août 1572, Paris se prépare à un événement qui était pourtant des plus improbables quelques années plus tôt : le mariage d'un protestant et d'une catholique de grand nom : Henri de Navarre, le futur Henri IV et Marguerite de Valois, fille de la reine de France. Ce mariage est une manœuvre politique de la reine avec une forte portée symbolique : un message de réconciliation naît de cette union. Si deux grands du Royaume se marient, derrière eux c'est tous les Français avec leurs divergences religieuses qui peuvent en faire autant, la paix serait-elle proche?
Pourtant ce mariage sera l'une des causes du plus grand massacre de l'histoire de France dont près de 100 000 personnes (estimation imprécise) seront victimes. Durant ce mois d'août 1572, la présence protestante agace les parisiens, toujours fidèlement ancrés à leur foi catholique, et on les reconnaît sans peine dans les rues de la capitale: ils portent un sombre accoutrement noir avec un col blanc, ils sont en groupe, on les craint. De plus, la chaleur est accablante à Paris, elle pèse sur les esprits et accentue le malaise. Mais rien n'aurait aboutit que le pouvoir n'aurait provoqué. Or, la reine, elle, est agacée par l'Amiral de Coligny, récemment parvenu à la cour. Ce protestant, Grand du Royaume de France, veut fonder la politique extérieure du Royaume sur l'aide militaire à apporter aux Protestants des Pays-Bas, soulevés depuis des années contre le pourvoir du roi d'Espagne, patrie ô combien catholique et conservatrice (c'est elle qui utilisa abondamment l'
Inquisition). Coligny influence le roi pour qu'il lance l'offensive. La reine sait très bien que si la France choisit de défendre les révoltés, cela signifie le basculement de la France dans le camp protestant aux yeux du Pape et de Philippe II, roi d'Espagne. La reine n'envisage pas un instant cette possibilité.
La solution passe par l'élimination de Coligny. Un matin, alors qu'il se rend au Louvre, il est blessé par une flèche lancée d'une maison. Cependant il ne succombe pas et déjà les protestants crient vengeance après cet acte de traîtrise.
Il va alors se jouer une scène des plus macabres où tout Paris va se soulever au cri de "Mort, mort, tue ce huguenot". En trois jours, Paris voit accumuler les cadavres, les portes de la ville sont fermées, on ne peut en sortir. Même au Louvre, dans le palais de la famille royale, les massacres n'épargnent pas ses occupants. Dehors, le peuple est encouragé par des prêtres extrémistes qui donnent leur bénédiction, pire, le roi de France aurait déclaré : "Tue-les tous, mais qu'il n'en reste pas un pour venir me le reprocher." Avec la bénédiction de l'Eglise et l'autorisation du roi, les meurtriers agissent sous la plus complète impunité et légitimité. A cet égard, plus que l'image ci-dessus une scène du film "la Reine Margot" montre très bien cette atmosphère tragique. A la fin du massacre, le 28 août, les rares protestants vivant sont cachés, Coligny a été assassiné mais la reine a voulu garder prisonnier Henri de Navarre qui doit se convertir de force. Dans les mois suivants, d'autres villes prennent exemple sur Paris et massacrent les protestants qui les composent. Lyon, Toulouse, Orléans se livrent aux mêmes atrocités.
Le retentissement de ce massacre a été énorme. Le Pape, de son côté, envoie sa bénédiction et fonde une médaille en souvenir de l'événement (voir ci-joint) où l'on voit Charles IX écraser les restes des protestants. Ceux-ci vont réagir très vivement et développer une pensée politique souvent très véhémente à l'égard de la monarchie et ce jusqu'en 1584. Dès 1573, une grande partie du sud et sud-ouest, là où la présence protestante est bien plus forte, fait cessation avec le pouvoir de Paris : les Etats-Unis du Midi sont nés.
Les protestants s'organisent eux-mêmes, perçoivent les impôts, renforcent une armée permanente pour assurer la sécurité, s'assurent du pouvoir municipal et remplacent ainsi petit à petit l'administration royale. Désormais le roi, sur lequel on comptait jusqu'à présent, n'est plus un interlocuteur fiable. Pour les Protestants, il a manqué à un devoir essentiel : la sécurité de ses sujets et s'est par conséquent éloigne de la volonté de Dieu: la résistance armée ne pose plus aucun doute.
La réaction est aussi purement politique, une pensée très anti-monarchiste se développe. Des ouvrages comme Du droit des Magistrats sur leurs sujets de Théodore de Bèze ou Revendications contre les Tyrans remettent en cause le système politique, le qualifiant de tyrannie. Il a perdu toute légitimité car il a enfreint ses obligations vis-à-vis de Dieu. Ces ouvrages, comme d'autres, déterminent le comportement à adopter dans cette situation et posent les limites de l'obéissance au pouvoir. Bien avant les Lumières, les protestants réfléchissent sur la notion de roi et de pouvoir. Mais la critique du gouvernement et de la monarchie se trouve chez les catholiques qui reprochent au roi de ne pas avoir su régler le problème protestant et vont même pactiser avec eux! Les années 1570 éloignent le peuple Français de son roi et l'idée de régicide parcours les routes de France.
De 1572 à 1584, la France sera également marquée par quatre guerres de religion dans lesquels l'impact politique est constamment présent, voire même parfois dominateur. Ainsi, quand meurt Charles IX en 1574, c'est son frère, Henri III, qui reprend le trône. Or, il est loin de faire l'unanimité et la cinquième guerre de 1574 voit se dessiner une formation politique annonçant les années à venir : la séparation des camps entre catholiques d'un côté et protestants de l'autre. C'est ainsi qu'en 1574, les protestants s'unissent à des catholiques modérés, les Malcontents, et poussent Henri III à convoquer les Etats Généraux pour régler le conflit. Deux ans plus tard, devant l'incapacité du roi à choisir un camp, les Guise forment la première Ligue catholique, une organisation d'ultra-catholiques regroupant des Grands des villes et des soldats capables de contrebalancer l'influence adverse. Entre les deux, le roi Henri III n'arrive pas à s'affirmer. Ces guerres sont violentes et chaque camp se partage les horreurs des exactions commises, crime politique, massacres, destruction des images de culte. La violence se répand rapidement, relayée par des prêches qui échauffent régulièrement les esprits. Ce sont des violences purificatrices qui invoquent un Dieu vengeur, des violences dans lesquelles même les enfants peuvent achever un homme à terre, agonisant.
La Ligue accentue la division d'un pays déjà affaibli: l'autorité du roi est à peine reconnue et bientôt, avec l'année 1584, cette séparation politique et confessionnelle va s'amplifier dans l'urgence car 1584 marque un fait nouveau et alarmant : Henri de Navarre peut être roi de France!