A l'origine d'un concept
Les croisades, dans un premier temps, doivent être comprises comme une réaction de peur face à l'évolution politique du Moyen-Orient. Jusqu'au milieu du XIe siècle, les relations entre l'Occident et les puissances musulmanes d'Orient, qui possédaient déjà Jérusalem depuis près de trois siècles, ne donnaient pas lieu à un mouvement belliqueux particulier même s'il existait une certaine inquiétude sur la condition des Chrétiens menacés par les infidèles, inquiétude relayée par la menace sarrasine en Espagne ou en Italie. Charlemagne avait lancé plusieurs expéditions ayant abouti à la prise de Barcelone et du Nord-Est de l'Espagne. Mais ces expéditions étaient davantage menées pour contenir une agression et garantir la sécurité de l'Empire que pour des raisons de Foi.
Mais lorsque l'Empire Byzantin perd l'Asie Mineure au profit des Turcs Seldjoukides au XIe siècle, l'Occident, et en premier lieu le Pape, considère, à plus ou moins juste titre, que les Turcs viennent d'enlever à la chrétienté une source fondamentale de spiritualité : le pèlerinage sur les terres du Christ. Des appels à l'aide sont lancés par les Grecs ou les Arméniens. Le pape Grégoire VII répond aussitôt et tente d'organiser une expédition de secours en 1074. Ce qui aurait pu être la première croisade ne fut qu'un simple projet, le Pape étant occupé à régler un conflit d'influence avec l'Empereur du Saint-Empire Romain Germanique.
L'idée rebondit en 1095 quand le Pape Urbain II lance le premier appel à la croisade lors du concile de Clermont (représentation ci-jointe). L'intervention des armées occidentales se fonde sur des motifs purement religieux et pacificateurs, sur un appel à une conscience commune, pour libérer les lieux saints de la domination infidèle. De plus, pour encourager les seigneurs occidentaux, le Pape promettait à tous les participants une indulgence pontificale, amenant une rémission des peines pour leurs pêchés ou pour les pêcheurs eux-mêmes.
Quelles motivations?
L'objectif de Jérusalem semble ne pas avoir été la motivation primordiale du Pape et les historiens discutent encore de l'origine de cet objectif. L'objectif viendrait-il donc du Pape lui-même, de l'Empereur de Byzance qui, désireux de se trouver des alliés contre les Turcs aurait manipulé les Latins pour arriver à un but personnel : la reconquête de l'Anatolie, les sources manquent pour être certain d'autant plus que les perceptions des chroniqueurs sont parfois opposées, incomplètes et souvent écrites quelques mois ou quelques années après les événements.
L'appel à la croisade intervient à un moment où les consciences étaient déjà sensibilisées sur la nécessité, voire le bienfait des combats contre les Infidèles pour réduire l'influence de l'Islam, puisque l'Espagne est déjà le théâtre d'opérations de reconquête contre les Sarrasins depuis le IXe siècle. De plus, envoyer une multitude de soldats pour défendre la chrétienté devenait pour le Pape un moyen efficace de réduire les luttes et brigandages fréquents en France où de nombreux combattants, mercenaires comme chevaliers, se faisaient la guerre et instauraient alors une insécurité et un gâchis inutile de vies humaines. Si combat il doit y avoir, ce sera contre l'infidèle.
Parmi les raisons, plus secondaires, qui ont engendré la première croisade, il y a sans conteste une volonté personnelle de la part du Pape de renforcer sa puissance. En répondant à son appel, les armées croisées deviennent, en un sens, le bras armé du chef de l'Eglise qui peut ainsi donner à sa volonté les moyens d'être réalisée. La quête de gloire personnelle, de possession territoriale ou la volonté pour les grandes villes italiennes (Pise, Gênes, Venise) d'acquérir de nouveaux comptoirs commerciaux ne pèse à vrai dire rien sur la motivation de la première croisade. La conjoncture politique, culturelle et donc religieuse est favorable à l'émergence et au succès des croisades. C'est ainsi que l'appel du Pape reçoit une réponse très positive et que débute la première des neuf croisades où chacun est croisé avant tout pour la Foi.