Jusqu'à présent, la motivation religieuse était primordiale, que ce soit pour répondre à l'appel de la Papauté et défendre ainsi la chrétienté ou que ce soit pour bénéficier d'une rémission des péchés, les participants étant poussés par la Foi.
Le sac de Constatinople
Or, à partir de la quatrième croisade, les intérêts économiques et le désir de butin prévalent sur l'impulsion religieuse. Déjà, dans la seconde partie du XIIe siècle, les Pisans ou les Génois, avaient établi des comptoirs commerciaux en Egypte tandis que Venise négociait une paix avec Saladin pour mieux développer son commerce méditerranéen. De plus, l'Occident devait compter de moins en moins sur la coopération byzantine. L'Empereur, lassé et méfiant, n'hésite pas à manifester son opposition en massacrant les populations latines de Constantinople, après avoir arrêté les Vénitiens quelques années plus tôt.
Le contexte n'est donc plus aussi favorable qu'au siècle précédent et ceci bien que l'Europe connaisse un grand élan spirituel à travers l'art gothique qui s'impose définitivement et donne aux consciences les moyens d'exprimer une spiritualité religieuse plus intense.
Alors, quand le Pape Innocent III lance le quatrième appel à la croisade, Venise n'a guère de mal à détourner la vocation première, Jérusalem, vers Constantinople, sans accord pontifical préalable. La ville est prise par les croisés en avril 1204, elle est mise à sac, pillée et de nombreuses terres de son empire, en Grèce notamment, deviennent des provinces gérées par les seigneurs occidentaux qui s'établissent pour y former des seigneuries à l'image de l'Occident, pendant que Venise en profite pour s'approprier la Crète et y établir un comptoir commercial. La quatrième croisade est donc davantage une guerre entre Chrétiens qu'une guerre contre l'Infidèle musulman. Le sac de Constantinople est ainsi un événement majeur dans l'histoire des croisades tant il montre le détournement de la vocation première, fait qui a été mis en peinture par le Tintoret au XVIIe siècle (voir ci-contre la toile conservée au Palais des Doges à Venise). Le petit "Empire latin", né du dépeçage de l'Empire byzantin, ne dura guère et en 1261 l'Empereur reprend peu à peu le contrôle de ses terres. La méfiance entre les deux puissances, l'Occident et Constantinople, déjà forte de part le schisme religieux de 1054, s'amplifie encore davantage.
Cinquième et sixième croisades
La cinquième croisade n'a rien de glorieux. Innocent III lance un nouvel appel en 1215 dont la la réponse a un succès mitigé. Si les Princes italiens sont favorables (Venise, Pise et Gènes en tête), les autres puissances occidentales sont plus réticentes à engager encore des frais pour une expédition militaire en Egypte, là où le Pape croit que se trouvent les clefs de la Ville Sainte. Les moyens mis en œuvre sont très inférieurs par rapport aux autres expéditions, mais la croisade est lancée en 1217 vers le delta du Nil pour assiéger le port Egyptien de Damiette. La ville se rend en 1219 mais les seigneurs croisés rencontrent une vive résistance face au Caire. Encerclés, ils doivent renoncer et restituer leur conquête en échange de leur liberté en 1221. Ainsi, si la quatrième croisade est vite détournée en pillage, la cinquième ne reçoit pas le soutien nécessaire à sa réussite. Et si cette perte de vigueur des croisades s'amplifie, cela ne change rien à la détermination de Rome à conquérir la Terre Sainte.
Une détermination sans limite car lorsque l'appel à la sixième croisade est lancé par Innocent III, celui-ci n'hésite pas à menacer d'excommunication son représentant temporel, l'EmpereurFrédéric II, qui ne manifeste pas assez d'entrain dans sa tâche et ceci bien qu'il réitère son vœu de diriger une croisade en 1220. Les reports successifs de départ pour cause de politique intérieure poussent le Pape à exécuter sa menace d'excommunication en 1227. Enfin débutée un an plus tard, la croisade ne se déroule pas sur les terrains désertiques du Moyen-Orient ou de l'Egypte mais laisse place à la diplomatie. Avec le Sultan Egyptien Al-Kamil, les Chrétiens occidentaux négocient efficacement, ce qui leur permet de se voir restituer Jérusalem
(représentation de cette négociation à droite).
De plus, par le traité de Jaffa, ils s'assurent le contrôle des villes de Bethléem et de Nazareth tout en garantissant la sécurité pour les pèlerins chrétiens. Mais ce qui peut apparaître comme un succès ayant épargné des vies et permettant le contrôle de la Ville Sainte est mal perçu en Occident, puisque les consciences n'assimilent pas le concept de croisade à la diplomatie mais restent sur une vision militaire et sur l'idée de reconquête. Pourtant, la voie diplomatique s'avère de nouveau efficace à partir de 1237 par la restitution aux Latins d'une partie de l'ancien royaume de Jérusalem, constitué lors de la première croisade. La dernière partie des croisades est assurée par St Louis et semble s'inspirer d'un retour, minime, de la volonté religieuse.