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Quatre décénnies de conquêtes

Le roi faisait de la guerre un outil majeur de sa politique d’unification. Dès sa jeunesse, il apprend l'exercice du pouvoir en parallèle de l'art de la guerre auprès de son père. A sa mort en 814, après 47 années de règne, l’Empire carolingien s’étendait de la Bretagne à la Saxe et du Danemark au centre de l’Italie (voir carte). Jamais depuis Rome, un homme n'avait réussi à unir un si vaste territoire en Europe.

En 771, le royaume est partagé entre Charles et son frère Carloman mais les deux héritiers n'ont pas la même manière de régler un conflit. C'est ainsi que lorsqu'éclate la révolte en Aquitaine, l’immobilisme et l’indécision de Carloman laissent à son frère la possibilité d’agir pour rétablir l’ordre. Cette ferme volonté de conquête ne se démentira plus : Charlemagne va déferler sur l’Europe, animé par la force de la religion et la conviction d'unifier. La mort de Carloman évite au royaume de subir une guerre civile et laisse à Charles le soin d’usurper à ses neveux le titre d’héritier de la couronne de leur père. Charles se retrouve donc seul à 29 ans à la tête d'un royaume qu'il ne reste plus qu'à agrandir: on parle alors de la dilatatio regni.

· La Lombardie

La première étape de cette unité territoriale se déroule en Lombardie, au nord de l'Italie. Depuis que Pépin a été couronné roi avec l’appui du Pape Zacharie en 754, il existe un lien étroit entre le Saint-Siège et la monarchie franque. Pépin avait lui même été fidèle à cette relation en protégeant Rome des ambitions lombardes en 754 et avait confié les terres conquises sur le royaume lombard au Pape (ce que l'on appelle les terres pontificales). Vingt ans plus tard, sous l'impulsion du roi Lombard Didier, ses troupes reprennent l’offensive.

Déjà Charlemagne avait répudié son épouse lombarde en 770, marquant ainsi la nature des relations qu'il souhaitait entretenir avec ce royaume. De plus, par tradition politique comme par volonté de conquérir un espace, Charlemagne se déplace avec son armée vers Pavie. La résistance est habilement réduite, seule la ville résiste lors d’un long siège pour finalement se rendre au roi en juin 774. Le roi de Francie devient désormais roi de Lombardie puisqu’il s’approprie la couronne. Une telle victoire lui assure le soutien de la papauté et lui permet d’achever ce que son père avait commencé.

· La Saxe

Mais les conquêtes de Charlemagne n’ont pas toutes bénéficié de la même facilité déconcertante où réduire la résistance n'était une simple formalité militaire. La guerre qui mobilisa les plus grands moyens a indiscutablement été la guerre de Saxe.

Cette région à l’est du Rhin est la source d’une agitation constante qui dépasse les limites géographiquement floues du royaume de Francie. Dès 772, par le biais de raids, des groupes saxons pillent régulièrement le royaume. Les quelques campagnes de répression engagées suffissent au plus à garantir une tranquillité éphémère. Charles veut alors prolonger ce premier acquis en poursuivant en 774-775 les chefs saxons qui refusent de se soumettre à une autorité qu’ils ne reconnaissent pas. Leur insoumission sera constante : comme pour Rome quelques siècles plus tôt, Charles piétine et il lui faudra près de trente années pour soumettre définitivement la Saxe. Même la sédition du principal chef saxon, Vidukind,en 785, n'enlève pas la menace d'autres troubles. Ainsi en 793 éclate une révolte grave qui sera réprimée en quatre ans.

Une telle durée s’explique d’un côté par la farouche résistance saxonne et de l’autre par une organisation militaire carolingienne médiocre. La brutalité parfois excessive employée par Charles (4500 Saxons sont massacrés dans un champ en 782 pour avoir lancé une attaque contre une armée de Charles) engage chez eux une résistance acharnée. Une telle attitude répressive lui vaudra d’ailleurs de l'histoire de sévères condamnations par Voltaire et surtout Michelet qui ne voit en lui que l’expression intolérable d’une violence gratuite. La motivation du roi est aussi religieuse puisque la Saxe est une terre vierge de toute civilisation et constitue un espace idéal pour le christianisme.

Mais là aussi, toutes les tentatives de christianisation sont rejetées avec force et parfois dans le sang. Les Saxons préfèrent rester fidèles à leurs croyances païennes que Charlemagne se hâte pourtant de réduire, en rasant par exemple l’Irminul, un arbre auquel les Saxons prêtaient des pouvoirs divins. De plus, les Saxons, entendons l’ensemble des peuples saxons, (Westphaliens, Osphaliens, Angariens pour les principaux), s'ils n'ont pas d'unité politique et militaire propres, savent se fédérer dès qu’une menace extérieure apparaît, comme les cités grecques antiques ont pu le faire devant la menace perse.

Quant à l’armée de Charlemagne, bien qu’elle soit importante, il revient à chacun de s'équiper proportionnellement à ses propres revenus et elle est composée de paysans plus soucieux de retrouver leurs campagnes et leurs récoltes et de seigneurs avides de richesses que d’hommes de métiers. De plus, une partie des conquêtes des campagnes d'été est perdue dès que l'hiver approche puisque les troupes reculent en des lieux plus sûrs.

· D'autres conquêtes

Parallèlement à la conquête de la Saxe, Charlemagne a mené en 791 et 795-796 des campagnes contre les Avars (peuple d'Autriche et de Hongrie), fructueuses au regard du butin découvert dans le ring, c'est à dire le centre des terres des Avars où l'ensemble de leur pillages était entreposé. Les armées de Charlemagne y découvrent de l'or et autres objets précieux de provenance diverses : italienne, Byzantine,… Comme pour toute région instable du royaume, Charlemagne établi une marche, sorte de zone tampon entre le monde barbare et celui du roi Franc. Pareillement, une marche est établie à l'ouest de la Bretagne à défaut de pouvoir s'en emparer complètement

Ces conquêtes assurent au roi un grand prestige militaire et une renommée qui dépasse les frontières de son royaume. De plus, sa vocation chrétienne lui donne toute la légitimité nécessaire auprès de l'Eglise. Mais Charlemagne a connu des revers, le plus mémorable et le plus symbolique restant celui de Roncevaux. En 778, Charlemagne profite de la révolte de chefs arabes d’Espagne contre l’émir de Cordoue pour espérer reprendre aux infidèles une partie de la péninsule ibérique. Après quelques succès (prise de Huesca), il se voit obligé de rebrousser chemin en août du fait du manque de machines de siège. C’est alors que son arrière-garde est attaquée au col de Roncevaux par des Basques, là où mourra le légendaire Roland, comte de Bretagne, dont la bravoure et l'épée Durandal seront immortalisés par les chansons de geste du XIe siècle. (ici à gauche)

Ce n’est qu’en 801 que le roi, devenu empereur l’année précédente, relance une conquête en Espagne et prend Barcelone puis Pampelune et Tortose. Là aussi, une marche est établie pour assurer la sécurité contre les infidèles.

Conquérant infatigable, Charlemagne combat les barbares et les infidèles jusqu’au tout début du IXe siècle. L’immense territoire né de ces multiples campagnes doit être administré : après l’unité territoriale, le roi doit penser à l’unité politique, de nouvelles difficultés commencent.