Le romantisme : le roman

Comme pour le théâtre, la prose trouve dans le Romantisme un épanouissement exceptionnel. Le Romantisme est aussi l’âge d’or de la prose. Trois principaux types de romans marquent cette époque :

· Le roman autographique

Dans les années 1800-1820 apparaissent les "romanciers du moi": il s'agit entre autres de Senancour, Mme de Staël, B.Constant, et de Chateaubriand. Les romanciers parlent à la première personne et s’attachent à décrire les émois et les passions de leur héros. Delphine et Corinne de Mme de Staël sont par exemple deux héroïnes emportées par leur passion mais qui trouveront la mort pour avoir voulu passer outre aux préjugées du monde et aux contraintes de la société.

De même, René de Chateaubriand (1802) fut d'abord conçu par l’auteur pour illustrer le paragraphe du génie du Christianisme appelé "Du vague des passions". René porte sur la passion-torture, liée à l'interdit de l'inceste. Le roman se concentre sur l'évocation du drame intérieur du personnage et montre bien l'opposition entre les désirs du héros et les obstacles à leur réalisation dressés par la société. On n'a pas à faire aux aventures du héros ni même au récit de sa vie, mais à l'analyse et au miroir de son âme, qui s'épanche dans la nature. C'est la conscience du héros qui s'exprime. Voilà pourquoi d'ailleurs nombre de romans de l'époque ont pour titre un prénom. On peut aussi évoquer Volupté (1834) de Sainte Beuve, ou encore La Confession d'un enfant du sièclede Musset (1836) qui répondent également tout deux à cette même exigence de montrer l'homme intérieurement.

Or l'intériorité qui nous est révélée est en proie à la souffrance: le héros romantique a le "mal du siècle". Tout d'abord, il se caractérise par sa solitude constante: il est seul face au monde et a l'impression de vivre dans une société matérialiste et conformiste, qui refuse la marginalité et les élans du cœur, comme ceux qui expriment le désenchantement ou la souffrance intime: "Pourquoi mon cœur bat-il si vite?/ Qu'ai-je donc en moi qui s'agite/ Dont je me sens épouvanté?" (Musset, Les Nuits). Une situation que la peinture romantique met ici en scène avec le peintre allemand Friedrich. Le personnage en noir se détache du reste et semble méditer, seul, face aux forces de la nature. La vue de la mer en proie à la tempête semble refléter l'esprit tourmenté du jeune homme. Cependant en même temps, la héros vit cet isolement et cette originalité comme une forme d'élection et de supériorité. En fait, le héros romantique est le porte-parole d'une génération pleine d'espoirs et d'ambitions, mais souvent en proie aux doutes, à la mélancolie et aux désillusions. C'est dans la nature qu'il trouve une consolation et un réconfort, comme l'Adolphe de Benjamin Constant.

La nature est tantôt complice, tantôt cache des forces obscures. C'est un thème d'inspirations et d'interrogations inépuisable, où le héros peut exprimer tour à tour son euphorie ou sa souffrance. Enfin, le héros romantique est aussi une image du poète, de l'écrivain incompris, méprisé de la foule mais qui en tire un sentiment de supériorité intellectuelle: "Je suis seul; (…) me voilà dans le monde, errant, solitaire au milieu de la foule, qui ne m'est rien" ( Oberman de Senancour). Pour résumer, le héros romantique se caractérise par son isolement et son originalité. Il laisse libre court aux épanchements de son cœur, la plupart du temps souffrant, et trouve dans la nature un écho de ses sentiments intérieurs. Il est un figure du créateur, lui aussi à l'écart et incompris, mais fier de ce statut unique.

Peu à peu, le roman autobiographique cède la place au roman historique, qui dès 1820 connaîtra un succès énorme et grandissant.

· Le roman historique :

Le roman historique naît d'une nouvelle conception de l'Histoire. Le dix-neuvième siècle voit en effet naître l'histoire nationale, avec des historiens comme Augustin Thierry, Guizot, Michelet. Cela engendre le goût pour le passé dans son authenticité, c'est-à-dire les récits d'époques, les monuments témoins d'un autre âge. Chateaubriand disait lui-même: "Tout prend aujourd'hui la forme de l'histoire, polémique, théâtre, roman poésie".

Le roman historique est inspiré des romans de l'écossais Walter Scott et il a produit, entre autres romans connus, Cinq Mars de Vigny (1826), Notre-Dame de Paris (1831), Quatre-vingt treize de Victor Hugo (1874), ou Les Trois Mousquetaires de Dumas. Dans ce nouveau type de roman, le cadre historique permet d'introduire du pittoresque, un arrière-plan exotique où se livrent les aventures du héros. C'est ainsi que Prosper Mérimée utilise la Corse dans Colomba (1840) ou l'Espagne dans Carmen (1858), de même que Théophile Gautier se sert de l'Egypte dans Le Roman de la Momie (1858). De plus, le genre a une fonction didactique, du moins selon Vigny : ce sont les vérités morales que le livre donne à lire qui doivent prévaloir sur la vérité du réel, lequel s'exprime à travers le destin des gra ndes figures de l’Histoire. Quant à Hugo, il même au détail pittoresque le souffle épique et une atmosphère quasi-mythologique, comme par exemple la description de la cour des miracles dans Notre-Dame de Paris: cet endroit était au Moyen-âge le repaire des mendiants et des truands et exista jusqu'en 1656. Hugo en fait une description pittoresque, recrée une ambiance et un mystère: " Qu'on ajoute (…) les querelles dans un coin, les baisers dans l'autre, et l'on aura, quelque idée de cet ensemble, sur lequel vacillait la clarté d'un grand feu flambant qui faisait danser sur les murs du cabaret mille ombres démesurées et grotesques."

Ce genre connaîtra l'apogée de son succès à partir de la parution de romans sous la forme de feuilletons, dans des journaux comme La Presse ou Le Siècle. Alexandre Dumas et Eugène Sue se distingueront brillamment dans ce genre. Sue en particulier, marquera, à travers Les Mystères de Paris ( paru de juin 1842 à octobre 1843 dans Le journal des débats) le triomphe du roman-feuilleton et du roman social. Son but est d' "appeler la sympathie des plus égoïstes sur une classe d'hommes doublement intéressante (…), signaler aux hommes les douleurs, les privations, les droits et les espérances des travailleurs (…) qui sont dans l'impossibilité complète de se défendre ou de réclamer des droits vitaux."

·Le roman social :

Il apparaît quant à lui à partir de 1840 et possède des œuvres d'une grande facture tels Les Misérables de Hugo (1862), La Mare au Diable (1846) de George Sand. Il s’agit de prendre en compte les nouvelles données de la réalité socio-historique du demi-siècle. Les écrivains sont engagés et militants, et offrent les prémices d'une littérature populaire: le peuple entre dans le roman et c'est une réelle nouveauté. Ceci est peu étonnant de la part de G.Sand, qui professe le pacifisme, la solidarité des classes ou l'équité dans le partage des terres: c'est pour cela que l'on qualifie ce type de roman de "social".