La premiere guerre mondiale

L'avant guerre est celle d'une Europe dominante sur tous les plans, des prestigieuses universités au monopole colonial; de nombreux pays font appel à cette dernière pour des travaux d'envergure ou pour former une partie de l'élite nationale. Mais cette Europe n'est pas unifiée, il existe des tensions entre nations. Ainsi, l'Allemagne expansionniste use t-elle d'une politique agressive (Weltpolitik) et convoite les richesses d'un monde colonial sous domination franco-britannique. De telles tensions engagent chacun des gouvernements à se lancer dans " la paix armée ". L'Angleterre, la France et la Russie s'unissent rapidement, suivis de l'Allemagne, de l'Autriche-Hongrie et de l'Italie; ces unions prévoient un soutien militaire en cas d'agression et divisent l'Europe.

De plus, le nationalisme entretient les haines. L’exemple franco-allemand nous plonge près d’un demi-siècle avant 1914: après une humiliante défaite à Sedan en septembre 1870, le second Empire s’effondre. Paris connaît la famine et le sang avec la Commune et la France est alors amputée de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine. Au-delà de la perte de ces régions minières, c’est le cœur nationaliste qui est touché. Depuis existe une amertume pour ce voisin de l’Est, entretenue par la Troisième République, à travers des manuels scolaires qui font de Charlemagne ou d’Henri IV les grandes figures d’une nation désormais meurtrie. L’écolier peut alors lire sur le tableau noir cette phrase lourde de rancœur : " tu seras soldat ", une rancœur bien vivante en 1914 comme le montre encore cette affiche où une Alsacienne en noir est attachée au mur allemand. La France n’a jamais oublié, et ne le voulait d’ailleurs pas.

Alors, quand survient l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand, héritier du trône d'Autriche-Hongrie, par un étudiant Bosniaque avec une complicité Serbe, l’Europe retient son souffle. Vienne y voit la possibilité tant attendue de réduire la Serbie et lui pose un ultimatum le 23 juillet. Dès lors, le jeu des alliances engage l’ensemble des pays européens, et le 4 août, la grande partie du continent est en guerre. Tout va alors aller très vite.

Il n’y a pas, à l’été 1914, de supériorité décisive dans un camp plutôt que dans un autre. L’Entente bénéficie d’une réserve considérable en hommes et en matières premières de part ses colonies tandis que les empires centraux, l’Allemagne en premier lieu, se sont mieux préparés à la guerre. C'est ainsi que l'état major allemand avait prévu la possibilité d’une situation de combat sur deux fronts, l'un à l'est contre la Russie, l'autre à l'ouest contre la France, au regard de l'entente entre ces deux pays. L'Allemagne a donc établi un plan d’action (plan Schlieffen) qui prévoyait l’anéantissement de la France dans un premier temps pour se retourner ensuite sur la Russie, inactive dans les premières semaines à cause de la lenteur de sa mobilisation. Chacun pense alors que la guerre sera courte et tous partent confiants, avec la certitude de vaincre rapidement (voir illustration). L’Angleterre, quant à elle, ignore le service obligatoire et ne peut, dans les premiers temps, envoyer au front qu’un corps restreint d’hommes. La France manque d’armement moderne et l’uniforme bleu et rouge des soldats rend ces derniers particulièrement vulnérables. Pire, l’état major français sous estime les possibilités allemandes et refuse de voir une attaque par la Belgique : erreur stratégique fatale puisque les troupes envoyées pour contenir la poussée ennemie sont inefficaces, les défaites se succèdent et le 2 septembre 1914, les troupes allemandes sont à Meaux. Paris est alors menacé, le gouvernement s’échappe à Bordeaux,c'est la guerre dite de mouvement.

Le scénario de ce premier mois de guerre ressemble étrangement à celui de la guerre de 1870 où les troupes prussiennes arrivent à Paris en un éclair. Mais Gallienni, informé d’un brusque changement de direction de l'ennemi vers le sud-est décide d’attaquer le flanc des troupes allemandes : c’est la bataille de la Marne du 6 au 11 septembre 1914. Joffre réquisitionne les taxis parisiens (partant de Gagny, en Seine-Saint-Denis), pour transporter ses troupes. A l’est, la Russie attaque plus tôt, ce qui oblige l’Allemagne à retirer des troupes du front ouest. Cependant, cette offensive surprise se solde bien vite par l’échec de Tannenberg, fin août, puis autours des lacs Mazures (début septembre). La réaction française surprend l’Allemagne qui ne peut réagir à temps. Une brèche est enfin ouverte sur l’aile droite, les troupes allemandes reculent, Paris est sauvé et avec elle la France. Si la bataille de la Marne n’a pas pu poursuivre l’offensive à cause du manque de munitions et de l’épuisement des troupes, elle a permis à la France ne pas subir un échec humiliant et l’a sauvée d’une menace d’invasion rapide. Le plan Schlieffen a échoué, Von Moltke est replacé par Falkenhayn, l’Allemagne doit agir autrement pour envahir la France.

C’est alors que chaque armée tente de déborder l’autre et le front s’allonge rapidement de la Manche à la frontière suisse, sur plus de 800 Km: c’est " la marche à la mer ". Aucun des deux camps ne parvient à prendre l’avantage, la tentative de faire de la Grande Guerre une guerre courte est avortée. Les soldats commencent à creuser ce qui sera leur lieu de vie pendant quatre ans : les tranchées.

En novembre 1914, la guerre s’étend plus à l’est avec l’entrée dans le conflit de l’empire Ottoman aux côtés de l'Allemagne et ses alliés. Cette entrée en guerre a une conséquence directe pour l’Entente puisque toutes communications et échanges commerciaux entre alliés de l’ouest et la Russie par la mer noire sont désormais coupés. Les alliés tentent pendant toute l’année 1915 de percer le front par un débarquement aux Dardanelles. Encouragée par Churchill, l’expédition est sans succès, les pertes sont d’ailleurs considérables. Le front se stabilise et les offensives de 1915 en Champagne ou en Artois laissent plus de morts que de victoires décisives. Seule l'Allemagne parvient à avancer contre des Russes mal équipés et mal entraînés. La stratégie offensive étant inefficace, il faut se replier sur la défensive, c’est la guerre dite de position.

Une guerre moderne 

Censure, pressions économiques et diplomatiques 

Peu à peu, des voix critiques s’élèvent. Le temps de "l'Union Sacrée" de 1914 où les sensibilités politiques se sont unies momentanément pour la cause nationale est loin. Les gouvernements sont accusés d'incapacité à résoudre le conflit, élément révélateur d’une inquiétude.

La diffusion d'une contestation et d'une volonté pacifiste issue de la lassitude engagent une partie des populations des pays belligérants à souhaiter la paix. Alors, afin de préserver un espoir de victoire, les gouvernements entretiennent tout au long du conflit un système de censure. Les nouvelles officielles, que l’on peut lire dans les journaux, ne reflètent parfois qu’une maigre part de vérité. La moindre victoire est une grande gloire, la moindre défaite passée sous silence et l’ennemi est constamment décrit avec un barbarisme inouï. Il faut conserver dans les esprits le courage et la confiance nécessaires à la victoire. Laisser l’information sans contrôle, c’est prendre un risque grave, laisser le peuple sous l’influence d’idées dangereuses pour l’époque (pacifisme, révolution), c’est faire naître une situation qui peut nuire au pays et profiter à l'ennemi. La censure passe par le filtrage des lettres des soldats, les mieux placés pour décrire la réalité de la guerre. Tout propos contraire à la politique de l’Etat n’arrivera pas à destination, toute volonté pacifiste ou toute description horrifiée des souffrances quotidiennes sont réduites au silence. Cette photo a été interdite par la censure, elle ne sera diffusée que longtemps après la guerre à cause de l'impact psychologique qu'elle aurait pu provoquer.

Devant l'impossibilité de percer le front militairement, chaque gouvernement tente de modifier le rapport de forces en adoptant une politique d’usure visant à épuiser l’adversaire. Première mesure : le blocus commercial contre l’Allemagne. Chaque belligérant encourage les pays jusque-là neutres à entrer dans le conflit en leur promettant des avantages territoriaux. C’est alors que l’Italie brise la neutralité en mai 1915 et se joint non pas aux pays centraux avec lesquels elle était alliée mais à ceux de l’entente qui lui promet une extension géographique à l’est. Quant à l’Allemagne, elle fait pression sur la Roumanie qui s’engage à ses côtés en 1916 tous dans l’espoir d’obtenir un avantage territorial

Les nouvelles armes 

La guerre de 1914 a été particulièrement meurtrière, ce qui la rend singulièrement terrifiante. Il est difficile de s’imaginer aujourd’hui quel pouvait être le niveau d’horreur et le degré de torture psychologique que ces millions de soldats ont subi pendant quatre ans. La guerre dans les tranchées amène à une modernisation de l’armement et des techniques de combat, le tir à distance laisse place au corps à corps, le fusil est remplacé par la baïonnette, la grenade à main ou la pelle à défaut d'autre chose. On saute d’un trou d’obus à un autre sous les feux des mitraillettes dans un univers gris et macabre où les cadavres s’enlisent un peu plus à chaque obus qui s'écrase.

Au printemps 1915, une nouvelle arme est utilisée pour la première fois par les Allemands, en Belgique, à Ypres : le gaz. L’obus, en touchant le sol, libère un gaz toxique qui provoque la mort dans les vingt secondes pour celui qui l’inhale (voir image ci-joint). L’année suivante, l’apparition des lance-flammes permet d’atteindre un plus haut degré dans l’horreur. L’aviation, limitée à un simple rôle d’observation en 1914 engage le combat et le bombardement aérien. En 1916 apparaît timidement le char d’assaut qui se généralisera ensuite. Les soldats ont en plus à vivre dans une angoisse permanente de la mort qui peut faucher au hasard à chaque sifflement de balles ou d’obus même au-delà de la première ligne. Les conditions de vie dans les tranchées sont déplorables, la boue envahissante, le ravitaillement incertain .

Le front n’est plus le seul objectif militaire et l’épuisement de la population devient un moyen d'approcher la victoire. Plus le temps passe et plus le moral de la population devient décisif dans le règlement du conflit. Alors chaque camp tente d’asphyxier et de réduire l’autre. La grosse artillerie et l’aviation bombarde à plus de 20Km les villes de l’arrière. Paris est alors bombardée part la " grosse Bertha ", artillerie lourde placée en forêt de Compiègne. Les traces du bombardement allemand de janvier 1918 sont encore visibles boulevard Saint Michel sur les murs de l’école des Mines de Paris. Quant aux alliés, ils achètent une partie des excédants des marchandises destinées à l’Allemagne et saisissent les convois neutres à destination de tout pays.

L’Allemagne répond dès 1915 par une guerre sous marine. Une autre arme nouvelle qui coule tout navire de ravitaillement, qu’il soit neutre ou non. A long terme, les belligérants espèrent user les ressources des ennemis et propager dans la population un sentiment défaitiste. D’un autre côté l’économie des pays en guerre se tourne vers une production essentiellement militaire, les usines d’armement tournent à plein régime grâce aux femmes qui remplacent les hommes partis au combat: ce sont les "munitionnettes". La population est sollicitée pour des emprunts qui servent à financer l’effort de guerre et une propagande d'affichage est lancée, voir ci-joint.

Verdun 

L’exemple militaire le plus significatif de cette volonté d’épuiser l’adversaire est incontestablement la bataille de Verdun. Le plan d’attaque prévoit d’encercler les Français et de saper leur moral par une victoire écrasante que l’état major allemand espère décisive. A l’aube du lundi 21 février 1916 s’engage une bataille qui va durer toute l’année et mettre en jeu de formidables moyens humains et matériels. L’artillerie pilonne les positions françaises afin de réduire la résistance et les divisions allemandes déferlent dans les tranchées. Le 25, les Français doivent se replier. Mais, devant cette percée, les Allemands doivent déplacer leur artillerie, pièce maîtresse de leur stratégie offensive afin de poursuivre l’avancée. L’offensive ne peut reprendre que le 27, deux jours qui ont suffit aux Français pour organiser la défense dans laquelle va s’illustrer un général encore peu connu, Pétain. Le front résiste en mars et avril, le grand nombre d’hommes disponibles du côté français permet un relèvement des troupes efficace qui évite l’épuisement. Une série d’offensives et de contre-offensives (photo de droite) ne fait pas évoluer la situation malgré la prise par les Allemands de quelques forts stratégiques. Au début de l’été, les Russes reprennent le combat tandis que les alliés attaquent dans la Somme. L’armée allemande doit alors relâcher sa pression sur Verdun si elle veut préserver le front: Verdun est sauvé. En décembre les forts occupés par les Allemands sont repris, la bataille s’achève. Il n’est pas possible de parler de victoire militaire pour un camp ou pour un autre, les pertes sont importantes, 700 000 hommes sont morts sur ce champ de bataille dévasté. Par contre, moralement, Verdun est une victoire française, l’état major allemand n’ayant pas réussi à " saigner à blanc " la France. Verdun reste aujourd’hui dans les mémoires comme l’une des batailles des plus sanglantes du XXe siècle, comme le symbole d’une r&eacut e;sistance acharnée. Une résistance que l’année suivante, 1917, va mettre à mal, une année charnière qui cumule plusieurs événements majeurs qui vont bouleverser les prévisions militaires.

L’année 1917 

Depuis la fin de 1914, la guerre a pris une tournure qu’aucun gouvernement n’aurait imaginée aux premiers jours du conflit. Une nouvelle vie s’installe pour les soldats, obligés de vivre entre une mort hasardeuse à l’assaut ou au détour d’une tranchée et dans un univers d’acier et de boue. S’ajoutent encore la médiocrité de la nourriture et la rareté des permissions ce qui accentue la morosité générale. Au printemps 1917 cette morosité passe subitement au refus catégorique d’aller à l’assaut : la désobéissance gagne rapidement les deux tiers des divisions françaises et certains soldats tentent même d’aller à Paris rencontrer les députés pour les informer de leur sort.

On parle bien souvent des mutineries de 1917 mais il ne faut pas donner à son sens une expression trop forte. Les soldats français ne refusent pas la guerre mais un certain type de guerre : une guerre inutilement sanglante, un assaut dont on sait à l'avance qu'il ne mènera à aucune possession supplémentaire. A cette première revendication, s’ajoute la volonté de voir s'améliorer leurs conditions d’hygiène et de bénéficier de permissions plus nombreuses. A long terme, ces mutineries auraient pu être néfastes si quelques officiers n’avaient pas compris la situation inédite que cette nouvelle guerre engendre. Philippe Pétain est l’un d’entre eux. Ce général, qui se rendra si tristement célèbre près de vingt cinq ans plus tard, réagit en jouant le conciliateur entre une nécessaire fermeté et une judicieuse compréhension. Il améliore les conditions et la régularité des permissions, gracie, par un décret de juin, la grande majorité des condamnés à mort et redonne à l’armée les moyens de ne pas sombrer dans l’indiscipline généralisée.

L'année 1917 est aussi celle d'une crise politique russe. Si l’on donnait à la Russie le surnom de " colosse aux pieds d’argiles ", c’est bien pour souligner à la fois la force de son armée en nombre et la faiblesse de celle-ci et de la société Russe encore archaïque dans son équipement général. La Russie ne peut pas soutenir une guerre contre un ennemi plus fort, mieux équipé et mieux organisé. Les défaites se succédant, la lassitude et le désespoir gagnent l’ensemble de la population. L’effort que demande une guerre, production industrielle et agricole accrue, engendre un rationnement de la population et des troubles sociaux dont le chômage n’est qu’un exemple. Au début de l’année 1917, la Russie est épuisée, les désertions se multiplient et les villes connaissent des troubles d’approvisionnement qui rendent la situation explosive. Il suffit de peu pour que tout éclate. Tout a débuté à Pétrograd (St Peterbourg) avec des manifestations dénonçant le chômage et la faim alors que la force ouvrière menace de paralyser l’industrie par des grèves. Les chefs de l’opposition socialiste se servent des troubles mais l’état répond autoritairement par l’ajournement de la Douma (assemblée Russe) et fait tirer sur la foule. Les choses empirent, l’armée se joint aux manifestants et le gouvernement est dépassé par les événements. Le 12 mars, les ministres démissionnent et Nicolas II ne réagit pas. Les révolutionnaires sont surpris de leur victoire facile et s’organisent pour créer un gouvernement provisoire parlementaire.

Mais ce gouvernement porte en lui les germes d’une discorde plus grande. Alors que son chef, Milioukov, assure aux alliés inquiets sa volonté de poursuivre la guerre, les soviets socialistes exigent la paix (conseil de représentants ouvriers et militaires). L’Allemagne accélère les événements en Russie en permettant à Lénine et aux bolcheviks de gagner la Russie le 16 avril. Milioukov démissionne le 15 mai, la Russie n’est plus une force d’attaque et les alliés craignent une intensification de l’effort allemand à l’ouest. En octobre, Lénine organise la seconde révolution et lance des pourparlers de paix amenant à l'armistice en décembre, puis au difficile traité de Brest-Litovsk (mars 1918) qui enlève à la Russie de riches terres.

Un allié se retire, un autre prend part au conflit. Si en 1914 le président américain Wilson engage une politique de neutralité, celle-ci ne va guère durer puisqu'à la fin de l’année, l’Entente le sollicite pour une coopération commerciale et financière. En 1915, l’Entente reçoit donc des vivres et des armes par l’Atlantique ce qui engage l’Allemagne à réagir par la guerre sous-marine. Wilson ne pouvait avoir à la fois la garantie de l’immobilisme allemand et les recettes considérables d’un tel commerce. La guerre sous marine s'amplifie dès février 1917, poussant Wilson à prendre une décision. Il attend, hésite, s’assure le soutien de la population en cas d’engagement militaire et le 2 avril, les Etats-Unis entrent dans le conflit suite au vote du Congrès. L’équilibre des forces va être brisé mais la force Américaine ne peut être opérationnelle avant le printemps 1918. L'Entente va t-elle tenir jusque-là alors que la Russie se dégage peu à peu du conflit?

Même à court terme, l’entrée en guerre des Etats-Unis engendre de grands avantages pour les alliés. Les échanges commerciaux et financiers se multiplient, la mise en place de 35 torpilleurs permet de combattre la guerre sous-marine et instaure une sécurité maritime. Enfin, l’exemple américain engage des pays d’Amérique du sud à entrer dans le conflit aux côtés de l’Entente (Brésil, Uruguay, Pérou). L'année 1917, par les événements qu'elle contient, est le tournant de la guerre.

Des dernières offensives à l’armistice

L’Allemagne, désormais uniquement inquiétée à l’ouest doit en finir avant que les Américains ne s’y installent. Le temps manque. Dès mars 1918, Ludendorff, qui partage avec Hindenburg le commandement des armées allemandes, engage une vaste offensive qui perce le front de 80 kilomètres en quelques jours alors que celui-ci n'avait presque pas bougé depuis 1914. Paris est de nouveau bombardé grâce à une puissance artillerie. Les alliés sont surpris et tentent de riposter. Le commandement unique des armées est confié à Foch mais les Allemands, mieux organisés, créent une diversion en Champagne pour attaquer plus à l’ouest. Le front français recule jusqu'à la Marne, et en deux mois les Allemands sont parvenus à revenir à leur avancée de 1914. Mais, incapables de poursuivre l’effort de la " dernière chance " par manque de réserves suffisantes, Foch et Pétain parviennent à repousser l’invasion en juin 1918. L’emploi massif des tanks a nettement aidé l'infanterie dans cette tache. Paris est de nouveau sauvé et la Marne est une fois de plus synonyme de victoire.

Dès lors, rien ne va plus pour les puissances centrales. Les Bulgares demandent l’armistice en septembre, la Turquie est battue en Palestine et le front austro-hongrois est percé par les Italiens en octobre. Une telle défaite et la dislocation de l’empire de Vienne par les minorités revendicatives (création de la Tchécoslovaquie, de la Yougoslavie) engagent Vienne à demander l’armistice. Après les Romanov, c’est la fin des Habsbourg comme monarchie gouvernante. En Allemagne, le pouvoir passe des militaires aux civils qui exigent la paix. Ludendorff démissionne en octobre pour ne pas avoir à assumer la défaite. Quant au Kaiser, il refuse d’abdiquer mais la pression socialiste et révolutionnaire l’y contraignent le 9 novembre. La République de Weimar est proclamée, c’est à elle de s’occuper de la paix. Le 11 novembre, une délégation est envoyée à Rethondes pour signer un armistice qui met fin à quatre ans de guerre. Une telle tâche est des plus amères, les militaires ne se sentent pas vaincus. Ils sont encore en territoire ennemi et sont prêts à continuer le combat. Humiliée, l’armée se sentira trahie et reprochera longtemps au gouvernement ce " défaitisme " honteux.

Près de dix millions de morts dont deux en Allemagne et en Russie, 1,5 en France et en Autriche-Hongrie, 500 000 en Grande Bretagne, la jeunesse Européenne est fauchée par la guerre, la pyramide des âges en porte encore les traces. A côté des morts vivent encore ceux qui ne pourront plus avoir une vie similaire à avant 1914. Comme les mutilés, ces " gueules cassés " que l'on représente en peinture, ici une toile d'Otto Dix en 1924 ou ceux qui, psychologiquement touchés, continuent à vivre l’horreur, à entendre les obus. Restent aussi ces familles amputées du père ou du fils mort à vingt ans... Economiquement l’Europe est presque ruinée: en France tout le Nord et l’est sont à reconstruire, les dépenses de guerre causent à la France et à la Grande Bretagne dix milliards de dollars de dettes auprès des Etats-Unis. La domination économique européenne n’est plus qu’un souvenir (photo d'une ville du nord de la France en 1918).

En 1919, le traité de Versailles pose les conditions de la paix. Politiquement, les dynasties s’effondrent, c’est le succès de la démocratie naissante en Allemagne, Hongrie ou en Turquie. Sur une idée du président américain Wilson, La Société Des Nations, l'ancêtre de l'ONU, est créée en 1919 et se veut alors être la garante d’une paix mondiale.

Sur le plan géographique, l’Europe est découpée : l’Alsace-Lorraine revient à la France, l’empire Austro-Hongrois est disloqué en plusieurs états, Autriche, Hongrie, Tchécoslovaquie, Yougoslavie. Mais les alliés, agissant pourtant au nom du droit des peuples à disposer d’eux mêmes, trahissent ce principe en laissant des Allemands incorporés à la Tchécoslovaquie. L’Allemagne perd à l’est une grande partie de son territoire et est coupée en deux par la Pologne à qui les alliés donnent un accès à la mer. Une telle disposition laisse les Allemands profondément insatisfaits.

De plus, l’Allemagne paye le plus cher tribu de cette guerre. Elle est rendue responsable du conflit et doit payer seules les réparations prévues jusqu’en 1989 ! Son armée est réduite à 100 000 hommes, elle livre aux alliés canons et mitrailleuses, la région frontalière à la France (Rhénanie) est démilitarisée pour réduire une potentielle menace et Paris envoie des troupes d'occupation alors que l’armée allemande avait toujours réussi à empêcher en temps de guerre l’occupation de son sol. Par ce traité, les Alliés ont usé de leur victoire et de leur rancœur mais les puissances victorieuses laissent aux Allemands la graine de l’amertume et la colère d'une trahison qu'Hitler saura exploiter au mieux.

En 1919, les esprits sous le choc commencent à réaliser la portée de ce qu’il viennent de vivre. Une littérature de la Grande Guerre se développe alors en Allemagne avec Enrich Maria Remarque qui publie en 1929 un roman pacifiste, A l’ouest rien de nouveau, qui contraste clairement avec l’apologie militaire que contient Orage d’acier publié par Ernst Jünger. En France, l’opinion est outrée que Marcel Proust obtienne en 1919 le prix Goncourt avec A l’ombre des jeunes filles en fleurs, devant un autre ouvrage porteur des douleurs de cette guerre. Pourtant l'esprit de paix s'installe peu à peu, une paix idéalisée que l'on voudrait réalité mais qui ne sera qu’un espoir. Vingt ans après le traité de Versailles, l’Europe entrera à nouveau dans un conflit qui sera six fois plus meurtrier.