L’Allemagne, désormais uniquement
inquiétée à l’ouest doit en finir avant que les Américains ne s’y installent. Le temps manque. Dès mars 1918, Ludendorff, qui partage avec Hindenburg le commandement des armées allemandes, engage une vaste offensive qui perce le front de 80 kilomètres en quelques jours alors que celui-ci n'avait presque pas bougé depuis 1914. Paris est de nouveau bombardé grâce à une puissance artillerie. Les alliés sont surpris et tentent de riposter. Le commandement unique des armées est confié à Foch mais les Allemands, mieux organisés, créent une diversion en Champagne pour attaquer plus à l’ouest. Le front français recule jusqu'à la Marne, et en deux mois les Allemands sont parvenus à revenir à leur avancée de 1914. Mais, incapables de poursuivre l’effort de la " dernière chance " par manque de réserves suffisantes, Foch et Pétain parviennent
à repousser l’invasion en juin 1918. L’emploi massif des tanks a nettement aidé l'infanterie dans cette tache. Paris est de nouveau sauvé et la Marne est une fois de plus synonyme de victoire.
Dès lors, rien ne va plus pour les puissances centrales. Les Bulgares demandent l’armistice en septembre, la Turquie est battue en Palestine et le front austro-hongrois est percé par les Italiens en octobre. Une telle défaite et la dislocation de l’empire de Vienne par les minorités revendicatives (création de la Tchécoslovaquie, de la Yougoslavie) engagent Vienne à demander l’armistice. Après les Romanov, c’est la fin des Habsbourg comme monarchie gouvernante. En Allemagne, le pouvoir passe des militaires aux civils qui exigent la paix. Ludendorff démissionne en octobre pour ne pas avoir à assumer la défaite. Quant au Kaiser, il refuse d’abdiquer mais la pression socialiste et révolutionnaire l’y contraignent le 9 novembre. La République de Weimar est proclamée, c’est à elle de s’occuper de la paix. Le 11 novembre, une délégation est envoyée à Rethondes pour signer un armistice qui met fin à quatre ans de guerre. Une telle tâche est des plus amères, les militaires ne se sentent pas vaincus. Ils sont encore en territoire ennemi et sont prêts à continuer le combat. Humiliée, l’armée se sentira trahie et reprochera longtemps au gouvernement ce " défaitisme " honteux.
Près de dix millions de morts dont deux en Allemagne et en Russie, 1,5 en France et en Autriche-Hongrie, 500 000 en Grande Bretagne, la jeunesse Européenne est fauchée par la guerre, la pyramide des âges en porte encore les traces. A côté des morts vivent encore ceux qui ne pourront plus avoir une vie similaire à avant 1914. Comme les mutilés, ces " gueules cassés " que l'on représente en peinture, ici une toile d'Otto Dix en 1924 ou ceux qui, psychologiquement touchés, continuent à vivre l’horreur, à entendre les obus. Restent aussi ces familles amputées du père ou du fils mort à vingt ans... Economiquement l’Europe est presque ruinée: en France tout le Nord et l’est sont à reconstruire, les dépenses de guerre causent à la France et à la Grande Bretagne dix milliards de dollars de dettes auprès des Etats-Unis. La domination économique européenne n’est plus qu’un souvenir (photo d'une ville du nord de la France en 1918).
En 1919, le traité de Versailles pose les conditions de la paix. Politiquement, les dynasties s’effondrent, c’est le succès de la démocratie naissante en Allemagne, Hongrie ou en Turquie. Sur une idée du président américain Wilson, La Société Des Nations, l'ancêtre de l'ONU, est créée en 1919 et se veut alors être la garante d’une paix mondiale.
Sur le plan géographique, l’Europe est découpée : l’Alsace-Lorraine revient à la France, l’empire Austro-Hongrois est disloqué en plusieurs états, Autriche, Hongrie, Tchécoslovaquie, Yougoslavie. Mais les alliés, agissant pourtant au nom du droit des peuples à disposer d’eux mêmes, trahissent ce principe en laissant des Allemands incorporés à la Tchécoslovaquie. L’Allemagne perd à l’est une grande partie de son territoire et est coupée en deux par la Pologne à qui les alliés donnent un accès à la mer. Une telle disposition laisse les Allemands profondément insatisfaits.
De plus, l’Allemagne paye le plus cher tribu de cette guerre. Elle est rendue responsable du conflit et doit payer seules les réparations prévues jusqu’en 1989 ! Son armée est réduite à 100 000 hommes, elle livre aux alliés canons et mitrailleuses, la région frontalière à la France (Rhénanie) est démilitarisée pour réduire une potentielle menace et Paris envoie des troupes d'occupation alors que l’armée allemande avait toujours réussi à empêcher en temps de guerre l’occupation de son sol. Par ce traité, les Alliés ont usé de leur victoire et de leur rancœur mais les puissances victorieuses laissent aux Allemands la graine de l’amertume et la colère d'une trahison qu'Hitler saura exploiter au mieux.
En 1919, les esprits sous le choc commencent à réaliser la portée de ce qu’il viennent de vivre. Une littérature de la Grande Guerre se développe alors en Allemagne avec Enrich Maria Remarque qui publie en 1929 un roman pacifiste, A l’ouest rien de nouveau, qui contraste clairement avec l’apologie militaire que contient Orage d’acier publié par Ernst Jünger. En France, l’opinion est outrée que Marcel Proust obtienne en 1919 le prix Goncourt avec A l’ombre des jeunes filles en fleurs, devant un autre ouvrage porteur des douleurs de cette guerre. Pourtant l'esprit de paix s'installe peu à peu, une paix idéalisée que l'on voudrait réalité mais qui ne sera qu’un espoir. Vingt ans après le traité de Versailles, l’Europe entrera à nouveau dans un conflit qui sera six fois plus meurtrier.