Débarquement et bataille de Normandie

Le mur de l'Atlantique

Hitler craignait un débarquement qui, stratégiquement, serait menaçant puisqu'il ouvrirait un second front à l'Ouest alors même que l'Allemagne ne parvenait pas à réduire la résistance soviétique à l'est. Le front de l'est demandait un effort constant d'approvisionnement d'hommes et de matériel. En souvenir de la première guerre mondiale, Hitler savait que se battre sur deux fronts oblige à diviser les forces et réduit la puissance d'une nation prise en tenaille.

Pour éviter une telle situation, les dirigeants nazis lancent le projet AtlantikWall qui prévoit de fortifier 4000Km de côtes de la Norvège au sud de la France. N'ayant pas pu envahir l'Angleterre pendant l'été et l'automne 1940 en perdant la bataille de l'Atlantique, l'Allemagne passe sur la défensive en attendant une autre opportunité d'invasion, qui n'arrivera jamais. Par ailleurs l'entrée en guerre des USA en décembre 1941 confirme la nécessité de dresser une protection infranchissable face à l'océan.

Le projet est confié à Fritz Todt, ingénieur allemand, inspecteur des routes du Reich. Il dirige l'organisation Todt dont la charge est de fortifier les frontières allemandes (ligne Sigfried notamment). Le projet est si ambitieux qu'il est impossible à achever complètement. Le projet débutant au printemps 1942, toutes les côtes ne sont pas suffisamment fortifiées au jour du 6 juin 1944, notamment en Normandie, et c'est d'ailleurs l'une des raisons qui engagera l'état major allié à lancer l'offensive à cet endroit. Bien malgré elle, la France contribua à construire le " mur " puisque les Allemands font appel à la main d'œuvre française contrainte de travailler pour l'ennemi et désarment les canons de la ligne Maginot pour les installer sur les batteries du mur de l'Atlantique. Ce qui avait été conçu pour se protéger des Allemands sert désormais leur cause.

De la Bretagne aux Pays Bas se trouve la zone du mur de l'Atlantique qui bénéficie de la plus grande puissance de feu, proximité avec les côtés alliées oblige. Des pièces d'artillerie lourde destinées à écarter de potentiels navires sont installées au Havre, à Cherbourg, à Etretat ou à Calais. Leur puissance de feu est telle que les Allemands ont la possibilité de bombarder les côtes anglaises. La préservation des batteries de Longues sur Mer permet de se donner une idée du dispositif défensif allemand. Autres constructions du mur de l'Atlantique, le bunker " tobrouck " est composé d'une salle enterrée et d'une partie plus en hauteur où l'on peut installer un canon de 50 mm, une mitrailleuse ou un lance flamme. Construit seul ou attaché à un bunker plus important, c'est la construction renforcée la plus simple. A ces batteries lourdes s'ajoute un grand nombre de nids de mitrailleuses ou d'artillerie plus légère mais la configuration du mur de l'Atlantique est surtout faite pour engager un duel avec la marine et à stopper une attaque d'intensité moyenne sur les plages. Aucune défense à l'intérieur des terres ne pouvait compléter les défenses côtières en cas d'attaque massive.

En plus de ce dispositif bétonné, les allemands installent sur les plages une série de structures défensives pour les rendre impropres au débarquement. Chacune s'adapte aux différents éléments susceptibles de composer ce débarquement. Des obstacles empêchent les chalands d'approcher (pieu où une mine est attachée sur sa partie supérieure ou porte belge). Plus proche du rivage, des pièces bétonnées ou métalliques destinées à empêcher la progression des blindés (hérissons tchèques, dents de dragon) sont installés en grand nombre. Enfin des fossés anti-char et des barbelés complètent le dispositif. A marée haute, l'essentiel n'est pas visible. Un réseau de radars est installé pour prévenir toutes attaques aériennes.

Rommel, ancien commandant de l'Afrika Korps en 1942, est désigné en janvier 1944 pour prendre en charge la défense de la Normandie. Conscient des lacunes défensives du mur, il inspecte en mai 1944 les installations (photo ci-jointe) et les fait renforcer. Il augmente le nombre de défenses déjà présentes et fait installer des champs de mines aux alentours des plages (3 millions de mines seront placées à la place des 7 prévus initialement). Dans les champs, il fait poser des pieux hérissés reliés entre eux pour empêcher le parachutage ou l'atterrissage de planeurs. Autant de mesures qui prennent en compte la situation d'un débarquement massif que l'artillerie ou les mitrailleuses ne permettraient pas d'arrêter. En juin 1944 le mur de l'Atlantique est loin de ressembler à cette barrière infranchissable que la propagande vante.

La préparation

Les alliés ont encore en tête la désastreuse tentative de débarquement en août 1942 à Dieppe ou 3000 soldats sont morts sur les 6000 qui ont débarqué. Le manque de préparation et l'importance de la résistance allemande avaient brisé un assaut qui n'avait pas dépassé les plages.

Forts de cette expérience et de celles des débarquements d'Afrique du Nord (1942) ou de Sicile (1943) qui démontraient l'impossibilité de prendre un port de front top bien protégé, les alliés élaborent les phases du débarquement en France prévu initialement le 1er mai 1944. Plusieurs réunions préparatoires établissent peu à peu un plan d'action. Est pris en compte la confrontation des différentes stratégies d'attaques : alors que les Américains préfèrent une attaque de front en France, les Britanniques sont partisans d'une stratégie de périphérie visant à affaiblir le Reich avant de l'attaquer de front : attaques au Maroc, en Sicile, en Norvège, etc. Après une première réunion à Québec en 1942, une seconde a lieu en janvier 1943, à Casablanca où est prise la décision d'attaquer l'Europe de l'ouest. Cette décision répond aux demandes de Staline qui souhaite ce débarquement pour réussir sa contre offensive débutée après la bataille de Stalingrad achevée en janvier 1943. A Téhéran, en novembre de la même année, Staline participe à une nouvelle réunion qui précise le déroulement des opérations.

L'industrie alliée accélère alors sa production pour être en mesure de livrer les véhicules, navires et infrastructures diverses (les fameux ports artificiels notamment) qui formeront le plus grand rassemblement militaire de l'histoire. Pour que le débarquement réussisse, il faut trois conditions essentielles, une nuit de pleine lune, une marée basse ou semi-basse et une météo clémente. Le 4 juin, Eisenhower, commandant en chef des forces alliés, retarde pour 24 heures les opérations car la météo est catastrophique. Les prévisions annoncent une amélioration pour la nuit du 5 au 6 juin, il n'y aura pas d'autre possibilité avant plusieurs semaines. Eisenhower tranche, ce sera le 6 juin.

Des missions de reconnaissance et les informations transmises par la résistance française permettent d'orienter le choix sur la Normandie et d'adapter l'attaque par rapport aux défenses allemandes. Les alliés disposent d'ailleurs d'un plan particulièrement précis de ces installations allant jusqu'aux prénoms des officiers responsables de tel ou tel bunker. La décision est prise de débarquer à mi-marée, ce qui permet d'apercevoir les obstacles métalliques et bétonnés des plages et ainsi de les éviter. Une partie du mur de l'Atlantique sera donc inefficace. Par ailleurs, la construction d'engins spécialisés permettra de réduire les différents obstacles : le " char fléau " fait exploser les mines (photo ci-jointe) par un système de rotation de chaînes qui viennent frapper violemment le sol tandis que le " char bobine " déroule un tapis sur le sable pour garantir aux véhicules lourds qui suivront de ne pas s'enliser dans le sable,. etc..). Le plan de débarquement nommé Overlord " seigneur suprême " prévoyait de débarquer au Jour J 50 000 hommes, 15000 chars et 2500 véhicules tout terrain de quoi établir une tête de pont durable. Dix jours après, 18 divisions devaient être débarquées pour élargir la tête de pont.

L'accumulation des hommes et du matériel depuis des mois faisait de la Grande-Bretagne le plus gigantesque camp d'entraînement du monde, surtout au sud de Plymouth à Newhaven, ou plus de 4000 navires et chalands attendaient d'acheminer l'extraordinaire réserve militaire. Des entraînement minutieux grandeur nature sont organisés : les soldats simulent le débarquement sur les plages anglaises, les parachutistes travaillent leur atterrissage et les blindés manœuvrent.

Un point de ralliement en mer appelé Piccadilly Circus est fixé, les couloirs maritimes pour le rejoindre sont tracés par des dragueurs de mines. L'opération maritime, nommée " Neptune ", se divise en trois grandes missions : une partie de la Royal Navy a pour mission de surveiller les flancs de l'armada pour empêcher une potentielle pénétration des U-boot. D'autres navires, les fameux Liberty ship pour les hommes de troupes notamment, servent à acheminer les forces. Enfin les navires de combat doivent réduire à néant l'artillerie lourde des plages par un bombardement massif des côtes. Ne pouvant bénéficier de ports suffisamment importants pour un débarquement massif, Churchill imagina la construction de ports artificiels remorqués depuis l'Angleterre (port d'Arromanches ou de Vierville sur Mer). Pour l'acheminement du carburant, un projet d'envergure est imaginé par Churchill : il s'agit d'un oléoduc géant immergé depuis l'île de Wight. Appelée Pluto (Pipe Line Under The Ocean) ce nerf de la guerre long de 165 Km est un élément clé de la réussite de l'opération Overlord. Le projet est mené à terme malgré son ambition et les contraintes techniques qu'il génère. C'est, en quelque sorte, le premier " tunnel sous la Manche " !

Les Allemands ne disposaient que d'une force aérienne limitée, c'est une de leurs faiblesses. L'aérodrome de Caen ne suffit pas à obtenir la maîtrise du ciel face aux 7500 avions alliés qui vont déferler en Normandie pour détruire les chasseurs allemands et empêcher, par le bombardement massif des voies de communication et des installations de défenses, tout déplacement de troupes dans la France du Nord-ouest.

L'accumulation des forces et les bombardements auraient pourtant dû attirer l'attention de l'état major allemand qui savait pertinemment que le débarquement se préparait. Mais quand et surtout où ? La préparation alliée passe donc par une campagne de désinformation baptisée Fortitude : la construction de leurres gonflables à l'est du bassin de Londres pour faire croire à un débarquement dans le Pas de Calais (photo de gauche) ou le matraquage des villes du Nord de la France confirment cette tendance. Le bombardement des véritables objectifs en Normandie ne devrait commencer qu'à la veille du Jour J. Des camions de ravitaillement fourmillent dans le nord-est de Londres pour faire croire à un acheminement de matériels dans cette direction.

Plus subtil, un acteur sosie de Montgomery est envoyé à Casablanca et glisse à l'oreille d'un diplomate germanophone la forte possibilité d'un débarquement sur les côtes de la méditerranée. Jusqu'au jour même du débarquement, les alliés continuent à exploiter l'opération : un faux quartier général à l'est de Londres envoie des messages pour qu'ils soient interceptés. Par ailleurs, des agents doubles contribuent, par de faux messages, à désinformer les services de renseignements allemands. Des bombardements dans le Pas de Calais sont organisés la nuit du 5 juin. Même s'ils sont inutiles pour le débarquement, que des soldats vont mourir et que la population civile va subir l'attaque, le commandement allié pense que ce sacrifice est nécessaire pour continuer à faire croire aux Allemands que la Normandie n'est qu'une diversion.

L'opération Fortitude porte ses fruits, des oppositions entre Rommel et Von Rundstedt sur la marche à tenir empêchent une décision rapide (laisser débarquer les alliés pour lancer une contre-attaque massive ou , au contraire, les faire reprendre la mer aussitôt arrivés comme le suggérait Rommel, lequel a déclaré concernant le débarquement : " Notre seule chance est d'arrêter l'ennemi pendant qu'il est encore dans l'eau. Les vingt quatre premières heures seront décisives [...] Pour les alliés, comme pour nous, ce sera le jour le plus long ". ). Mais Hitler, après hésitation, pense que la Normandie n'est qu'une stratégie de diversion et que le véritable emplacement est le Pas de Calais, rares sont ceux qui finissent par croire en l'inverse, parmi eux, Rommel qui démontre encore ici son exceptionnel génie stratégique, il ne sera pas écouté.

Le soir du 4 puis du 5 juin différents messages sont adressés aux forces de résistances dont les fameux vers de Verlaine " Les sanglots longs des violons de l'automne... " puis la nuit suivante la suite "... blessent mon cœur d'une langueur monotone ". Chaque groupe de résistance concerné accomplit les missions qui lui sont propres : destruction des lignes de chemin de fer, poteaux de communication à faire exploser, dépôts de munition à attaquer, etc. L'opération Overlord est lancée.

Le Jour-J

Le secret du débarquement est bien gardé. Peu savent pour quand il est prévu, De Gaulle n'est d'ailleurs informé de la date précise que deux jours avant. Les alliés considèrent De Gaulle et la France comme des acteurs d'importance moyenne et leurs objectifs pour le pays ne sont pas ceux du général. A plusieurs reprises, celui-ci s'oppose à Roosevelt ou au plan de Chruchill qui fait de la France un espace sous administration alliée. La ténacité du général contribuera à faire changer les plans initiaux, notamment sur le statut ci dessus précité.

A la veille du Jour J, quand sont distribués des billets français aux soldats, ils comprennent qu'ils sont à la veille du plus grand débarquement de l'histoire humaine. 173 000 hommes participent à cette opération soit huit divisions, la très grande majorité sont Anglais, Américains ou Canadiens. Quelques polonais et un seul commando français, le commando Kieffer fort de 177 hommes, s'ajoutent à cette force anglo-saxonne.

Dans la nuit du 5 au 6 juin, des parachutages massifs et le largage de centaines de planeurs avec près de 8000 hommes à leur bord forment la première vague d'assaut. Ces hommes ont pour mission de retarder les renforts allemands en s'emparant de positions stratégiques, parmi elles, la batterie de Merville ou les ponts de Ranville et Bénouville (le fameux Pégasus Bridge). Ces deux ponts sont stratégiques puisque qu'ils permettent le contrôle du passage de l'Orne au nord de Caen. Trois planeurs atterrissent près des ponts. En sortent les soldats de la 6e division aéroportée Britannique. Après une demi heure de combat, les ponts sont pris, ils doivent être tenu jusqu'à l'arrivée des renforts dans le courant de la journée du 6 juin, mais à ce moment rien n'est encore définitif, les alliés n'ont pas encore débarqué.

Le nord et l'est de Caen forment la première zone prévue aux parachutistes et planeurs. La seconde, couverte par les forces américaines (101e et 82e division aéroportée), est comprise sur la région entre Carentan et Sainte-Mère l'Eglise. De cette opération, chacun se rappelle l'anecdote de ce soldat américain, John Steele, qui, pour ne pas être abattu comme ses camarades, fait le mort, pendu sur le toit de l'Eglise du village de Sainte Mère l'Eglise avant d'être fait prisonnier et presque aussitôt libéré. Si la majeure partie des objectifs est atteint, des erreurs de parachutage font atterrir les alliés au bout du canon des allemands ou à parfois plus de 30 kilomètres de leur lieu prévu. Par ailleurs, sur les six régiments parachutés sur le Cotentin (soit 3000 hommes), seuls deux bénéficient de conditions d'atterrissage normales, les huit autres subissent entorses, noyages dans les marais ou s'écrasent au sol par manque d'altitude.

A côté des parachutages réels, les alliés organisent des simulacres d'invasions à l'Ouest de St-Lô cette même nuit vers 00h30 : ce sont les dummies. Il s'agit de faux parachutistes de taille réduite, qui, en arrivant au sol, pétardent et imitent le son des mitrailleuses. Plus qu'un gadget, les dummies sont une arme stratégique destinée à désorganiser la résistance et donner l'impression que le nombre de parachutistes global est plus important.

A l'aube, l'armada navale alliée forte de près de 7000 navires est visible des côtes. La seconde phase du débarquement va avoir lieu : le bombardement des batteries côtières. Il débute vers 6h00 du matin. Au matraquage intensif des cuirassés, destroyers ou croiseurs alliés s'ajoutent les 2700 bombardiers anglo-américains qui déversent des tonnes de bombes sur les défenses bétonnées allemandes. Un brouillard artificiel est créé pour gêner les tirs défensifs. Ensuite, les soldats s'exécutent. Descendant des navires pour embarquer sur les chalands, ils sont à quelques kilomètres des plages.

Cinq zones voient débarquer les forces anglo-saxonnes : Utah, Omaha pour les Américains Juno, Gold et Sword pour les Britanniques et Canadiens. Les Allemands sont surpris, persuadés que les alliés ne peuvent pas attaquer un jour de mauvais temps. Rommel est repartit en Allemagne et le général Marks, commandant des troupes de Basse-Normandie, fête son anniversaire à Saint-Lô.

A 6h30, les premiers soldats débarquement sur Omaha et Utah beach. Sur la seconde plage, et bien que le débarquement se déroule à 2km de l'endroit prévu suite à une erreur de navigation, le soutien de l'aviation et des blindés permet de s'emparer des lignes de défenses, les pertes sont inférieures à 50 hommes. Cependant, sur Omaha, les cibles de l'artillerie et des bombardiers n'ont pas été atteintes. Des centaines de vaches sont mortes à l'intérieur des terres, le tir était trop long. De plus, le hasard fait que les Allemands ont organisé un exercice anti-invasion à ce moment. Les défenses allemandes, flanquées sur la colline surplombant la plage, sont organisées sur Omaha en 14 ensembles (de WN60 à WN73) constituées de bunkers abritant canons, mitrailleuses, postes de commandement ou abris. Chacun des éléments d'un même ensemble sont reliés par des tranchés. Ce qu'il en reste aujourd'hui de ces défenses ne donne qu'une idée partielle de ces installations.

Omaha Beach deviendra l'emblème du débarquement. La plage est longue de 6 Km, de Colleville sur Mer à Vierville sur Mer. Les premières vagues d'assaut sont brisées par les mitrailleuses qui déciment les soldats. Bloqués dans l'eau, cachés derrière les pièces métalliques ou bétonnées placées par les Allemands sur la plage, les soldats américains mettent près d'une heure trente pour avancer de quelques mètres, 70% des effectifs sont perdus ou blessés (photo ci-jointe prise par Robert Capa, seul photographe présent sur la plage ce jour là). La mer est rouge de sang, les soldats trébuchent sur les corps immergés de leur camarades. Les blindés coulent dans la Manche, seuls quelques uns arrivent sur la plage. En début d'après-midi, le général Bradley qui dirige les opérations de ce secteur envisage de ré-embarquer. Il faut attendre la fin de l'après-midi et d'autres vagues pour que la situation soit maîtrisée. Symbole de ce massacre, le cimetière américain de Colleville sur Mer, qui surplombe la plage, abrite les tombes de près de 10 000 soldats morts pendant la libération de l'Europe. Inauguré en 1957, la France à légué a perpétuité cette terre au gouvernement Américain. D'autres cimetières en terre normandes rappellent la dureté des combats, notamment le cimetière allemand de la Cambe où plus de 21 000 morts reposent. Dans chacun de ces cimetières, le visiteur est frappé par la jeunesse des soldats, entre 18 et 25 ans pour la très grande majorité.

Sur les trois autres secteurs, Gold, Juno et Sword, les troupes Canadiennes et Britanniques bénéficient d'une situation plus positive, au milieu de l'après-midi, après de violents combats notamment dans le secteur de Juno, le contrôle des premières positions allemandes est effectif et les troupes rentrent dans les villages côtiers. L'usage abondant des engins de déminage facilite la progression de l'infanterie. Les premiers blindés permettent de dénicher les allemands des poches de résistance. C'est ainsi que sur Juno, les Sherman amphibies (entourés d'un flotteur et munis d'hélices), débarqués à 3 kilomètres des plages et qui arrivent pour certains aux portes des défenses Allemandes, se joignent aux sapeurs canadiens pour faire exploser les bunkers allemands. L'assaut allié est minutieusement préparé et la Wehrmacht est affaiblie par cinq ans de guerre qui ont neutralisé 4 millions d'hommes. Certains soldats de l'armée allemande, recrutés dans les pays de l'Est, n'ont pas autant d'ardeur et d'idéaux, ils se rendent plus facilement.

La pointe du Hoc, proche d'Omaha Beach, est une cible importante à conquérir. En haut de la falaise, les Allemands avaient installé une batterie côtière permettant de balayer une large zone, tant Utah qu'Omaha beach, notamment grâce à six obusiers de 155 mm de fabrication française. Le résultat incertain des bombardements nécessite l'envoi de compagnies. Débarqués sur une petite plage de galets, les 227 rangers du colonel Rudder escaladent la falaise sous les tirs allemands. Arrivés en haut, ils prennent un à un les bunkers et s'aperçoivent que les canons ont été déplacés. Pendant deux jours, les rangers doivent résister, sans renfort, aux attaques Allemandes. Aujourd'hui, le nombre impressionnant de trous et les dimensions de certains d'entre eux (5 mètres de profondeur sur 10 de long) donne l'impression qu'il s'agit d'un Verdun en miniature. La préservation du site rappelle l'intensité des combats et la puissance des bombardements.

A la fin de la journée, différents éléments d'armés assurent leur jonction pour former la base de la tête de pont. Au soir du 6 juin, environ 10 000 hommes sont morts, blessés ou prisonniers, 135 000 sont débarqués avec 900 chars. Le 8 juin, les alliées tiennent environ 70Km de côtes sur 8 à 16 Km de profondeur. Ce jour là Bayeux est libérée mais Caen ne l'est pas, c'est l'un des gros points noirs du bilan du débarquement. Les alliés vont piétiner longtemps devant la ville avant de l'arracher aux mains de la résistance allemande au prix de pertes importantes et de populations meurtries. Cependant l'armada peut débarquer les milliers de véhicules qu'elle transporte, la bataille de Normandie débute, et avec elle, la libération de la France. Une phrase d'un soldat allemand résume la situation au Jour J +2 : le "Mur de l'Atlantique" n'avait pas tenu ses promesses."

Elargissement et percée

Deux objectifs sont désormais prioritaires : élargir la tête de pont et foncer vers Cherbourg, seul port proche en eaux profondes permettant de débarquer le matériel lourd rapidement. En attendant, devant la plage d'Arromanches, est construit un port artificiel. Construits en Angleterre, les quais en béton qui formeront la base d'accueil du matériel, et les ponts métalliques sont tractés par mer. Des brise-lames et des navires échoués entourent le port et permettent d'assurer sa stabilité en le protégeant des vagues venues du large qui viennent s'écraser sur ce dispositif.

Derrière lui, des navires accostent et débarquent le matériel qui atteint ensuite la plage par des ponts maritimes. Un système de flotteurs coulissants permet au port de s'adapter à la marée qui modifie le niveau de la mer. Aujourd'hui, la préservation des installations donne une idée de l'étendue de la tâche. Une même installation est réalisée devant Vierville sur Mer, à l'extrémité ouest de la plage d'Omaha beach. Prévu pour quelques semaines, ce port appelé Mulberry fonctionnera jusqu'en novembre 1944. Ces installations portuaires temporaires constituent un maillon essentiel de la réussite et le débit de déchargement est important : du 6 au 16 juin, le port d'Arromanches a permis de débarquer 557000 hommes et 81 000 véhicules.

Mais reste à conquérir suffisamment d'espace pour disperser l'accumulation du matériel et pouvoir installer des aérodromes (voir carte colonne de droite). L'élargissement de la tête de pont est donc essentielle. Rendue possible par la prise des dernières positions allemandes, entre les secteurs de débarquement (batteries de Longues sur Mer prise le 7 juin par exemple), la jonction des unités alliées permet ce créer une première zone de contrôle continue. A la mi-juin le 5e corps d'armée du général Bradley repousse la limite de cette zone à 30 Km à l'intérieur des terres par la prise de Caumont-l'Eventré.

Plus à l'est, l'effort se concentre vers Caen, ville charnière qui dispose d'un aérodrome. Rommel oriente également sa défense vers cet objectif. De violents combats ne permettent pas de prendre la ville dans un premier temps.

A l'ouest, au 17 juin, la pointe du Cotentin est coupée en deux, Cherbourg est isolée. Si les Allemands ont construit un puissant dispositif défensif destiné à repousser une attaque maritime, ils sont plus vulnérables face à une attaque venue depuis l'intérieur des terres. Les garnissons présentes résistent aux assauts jusqu'au 26 juin et sabotent minutieusement le port avant que la ville ne tombe (photo de gauche). La réparation des dégâts ne rendra le port exploitable qu'à la mi juillet.

Fin juin, les tentatives pour s'emparer de Caen sont des échecs cuisants. Les alliés sont confrontés à des divisions blindées allemandes expérimentées qui tiennent en échec les différentes offensives dont l'opération Epsom montée par Montgomery. Chaque camp commence à s'enterrer dans des tranchés. Il faut attendre le 9 juillet pour que les alliés rentrent dans la ville après un bombardement massif au nord. Retranchés sur l'autre rive, les Allemands ne quittent la ville que le 19 juillet. Ce même jour, l'opération Goodwood, qui contourne la ville pour sécuriser ses abords, génère une avancée de quelques kilomètres qui n'est rien face aux 5500 morts et 400 chars perdus dans l'opération. Combats de fantassins, appui aérien, la bataille de Normandie est aussi un affrontement violent entre familles de blindés, les Sherman pour les alliés contre les Panzer et surtout les redoutables et supérieurs Tigre allemands.

La difficile avancée alliée au mois de juillet (voir carte colonne de droite) s'explique notamment par deux raisons : la configuration du terrain et la météo. Les Allemands utilisent les bocages normands pour organiser la résistance : ils enterrent les tanks, multiplient les attaques de fantassins armés de Panzerschreck (bazooka anti-char - photo ci-jointe). Les blindés alliés ont du mal à se frayer un chemin sur un terrain non adapté. Par exemple, en passant les haies, les Sherman présentent à l'ennemi leur partie inférieure dépourvue de blindage, ils sont vulnérables.

Quant à la météo, un mauvais temps empêche non seulement les alliés d'utiliser l'aviation, moyen efficace pour réduire les poches de résistance, mais aussi les retarde dans l'acheminement des renforts. C'est ainsi qu'entre le 19 et le 22 juin une tempête endommage les ponts artificiels d'Arromanches obligeant les Américains à débarquer directement les hommes par chalands sur la plage.

Plus les jours passent moins les généraux allemands croient à un second débarquement dans le Pas de Calais comme étant la véritable base d'attaque mais Hitler est toujours convaincu de cette possibilité notamment sur la base de renseignements indiquant l'existence de plusieurs dizaines d'unités sur le territoire anglais et qui seraient prêtes à débarquer. L'opération fortitude est un succès au delà de toute espérance. Hitler laisse donc des forces considérables stationnées dans le Pas de Calais en attente. La XVe armée, énorme ressource militaire, reste sur place tandis que Rommel obtient difficilement quelques renforts. Autre coup dur pour la Werhmacht, Rommel, de retour d'une inspection des défenses au sud de Caen, est attaqué par l'aviation alliée. Blessé, il doit laisser le commandement à Von Kluge, la carrière militaire du " Renard du désert" s'arrête là.

Si les alliés piétinent devant Caen, l'élargissement de la tête de pont est en revanche moins laborieux à l'ouest dans la seconde partie du mois de juillet. Après la prise difficile de Saint-Lô le 18 juillet, au prix de 3000 américains morts et d'une ville en flamme et sous les ruines, les alliés concentrent leur effort sur l'axe de progression Coutances - Granville - puis Avranches, c'est l'opération Cobra. Lancée le 25 juillet et menée par les généraux Bradley et Patton, elle marque un tournant dans la bataille de Normandie. Les efforts déployés par les Allemands pour contenir les attaques sur Caen ont permis aux Américains de progresser plus rapidement à l'autre bout du front. Une préparation du terrain par un bombardement massif et l'usage du napalm réduit la résistance de la Panzer Lehr, unité d'élite Allemande. Mais les alliés, surpris de voir resurgir cette division ce même 25 juillet, doivent faire appel à trois divisions supplémentaires pour venir à bout de la résistance. Avec la libération d'Avranches le 1er août et la prise du pont de Pontaubault, le chemin de la Loire et de la Bretagne est ouvert. Les alliés sont en mesure de quitter la zone du Cotentin presque deux mois après le débarquement. L'opération Cobra engendre une percée du front ayant permis d'agrandir la zone contrôlée d'environ 70 kilomètres en une semaine et d'ouvrir la voie à la libération de toute la France. L'état des villes libérées après les combats témoignent de l'intensité de ceux-ci, comme Saint-Lô, Caen est en ruine et les populations civiles payent un lourd tribu en vie humaines pour la liberté.

La retraite allemande

· La contre-attaque de Mortain

Si la progression des mois de juin et juillet a été difficile, le mois d'août voit cependant la résistance allemande dépérir après la réussite de l'opération Cobra. L'avancée des alliés est maintenant inéluctable, un a un les villages tombent. Mais en ce jour du 7 août 1944, les Américains sont surpris par une contre-attaque Allemande. Entrées dans Mortain, les troupes Américaines subissent au matin du 7août l'offensive de blindés visant à couper les lignes alliées de leur ravitaillement sur trente kilomètres jusqu'au mont Saint-Michel, c'est l'opération Lüttich. Les Allemands réinvestissent la ville un temps mais dans l'après midi, le brouillard s'étant levé, l'aviation reprend le dessus, 150 tanks sont détruits. C'est notamment au travers de la réduction de la contre offensive Allemande de Mortain que l'on mesure toute la portée et l'importance stratégique de l'aviation comme élément clé de la réussite de la libération.

· La poche de Falaise

La contre-offensive de Mortain a nécessité l'envoi massif de forces Allemandes vers l'ouest, situation que les stratèges alliés vont utiliser pour accélérer l'issu de la bataille par une manœuvre d'encerclement. Le front se resserre autour de la ville de Falaise, entre la prise d'Alençon par la 2e division blindée française et le XVe corps Américain, qui, venant du sud pour rejoindre au nord les unités Canadiennes et Britanniques, effectue un mouvement de pivotement. 150 000 Allemands sont menacés d'encerclement. Dès le 14 août s'engage une course vers la Seine, entre Argentan et Falaise, seule direction de sauvegarde avant la fermeture du goulot d'étranglement. Les blindés tentent de passer tandis que l'infanterie est laissée à elle-même. Les Polonais se joignent à l'offensive diminuant ainsi l'étroit couloir de fuite. Le 21 août, la poche de Falaise est définitivement fermée, si environ 100 000 Allemands ont pu fuir, plusieurs dizaines de milliers subissent le matraquage incessant de l'artillerie et des bombardements. C'est un véritable carnage, 6000 Allemands y laissent leur vie tandis que les restes d'une armée démoralisée tentent tant bien que mal de traverser la Seine comme elle peut, parfois à la nage. La poche de Falaise marque le dernier acte de la bataille de Normandie. L'armée allemande est en déroute, incapable de se réorganiser, elle fuit vers l'est et les routes sont jonchés de carcasses de chars (photo ci-jointe) et de cadavres. A la fin du mois d'août, seule la ville du Havre, avec une garnison de 11000 hommes résiste jusqu'au 12 septembre. A cette date, Bruxelles, Paris ou Dijon sont déjà libérées.

· Le débarquement en Provence

L'état major allié avait prévu un second débarquement dans le sud-est de la France pour assurer la jonction avec les troupes débarquées en Normandie en passant par la vallée du Rhône pour libérer Lyon et faire tomber le gouvernement de Vichy : c'est l'opération Anvril. L'autre intérêt stratégique d'un tel débarquement est qu'il oblige les forces Allemandes situées dans le quart sud-ouest de la France de remonter vers le Nord pour éviter un encerclement. En cas de succès de l'opération, la retraite sera totale et cette partie de la France se libèrera sans grands combats d'importance. La retraite n'est cependant pas sans cruauté, le massacre d'Oradour sur Glane en est le symbole.

La région entre Marseille et Toulon est bombardée depuis le 28 avril 1944. Dans la nuit du 15 août, la zone du débarquement est préparée par les bombardements et les parachutistes, pareillement au débarquement normand. L'armada part de Corse et d'Italie pour se positionner près de Toulon, port stratégique à prendre. La résistance est bien plus faible en Provence, on ne déplore que 320 tués le jour du débarquement, rien à voir avec les pertes des 6 et 7 juin. Les alliés progressent vite bien que les poches de résistance de Saint Raphaël ou Marseille retardent un temps le déploiement des forces. Le 23 août les alliés investissent Toulon. Les Allemands retranchés dans la ville se rendent le 28. Ce même jour, la capitulation Allemande dans Marseille est signée. A la différence du débarquement normand, celui de Provence voit une forte implication des forces françaises qui jouent un rôle majeur dans la libération des villes et constituent près des 2/3 des forces engagées. La réussite de ce débarquement permet aux alliés de foncer vers le Nord plus vite que prévu ce qui accélère la libération du pays autant qu'elle complique la tâche des armées d'occupation.

· La libération de Paris

Avec la victoire de la bataille de Normandie, la route de Paris est ouverte. Mais les alliés n'envisagent pas de libérer immédiatement la ville. Les troupes passent à Mantes la Jolie et Melun, soit au nord et sud de la Capitale. Mais dans Paris, le colonel Rol-Tanguy, qui commande les groupes armés FFI et qui refuse d'être libéré par les Américains, lance l'insurrection le 19 août 1944. Pendant six jours, les barricades s'érigent, les maisons sont occupées et la résistance attaque les convois allemands de passage. La police et les agents SNCF sont en grève, la ville est paralysée. De Gaulle n'accepte pas non plus que la libération de Paris soit le monopole américain, cet honneur revient aux troupes françaises. Différents intervenants et la menace de De Gaulle de donner l'ordre de marcher sur Paris malgré tout fait accepter à Eisenhower, commandant en chef des armées de libération, la marche sur Paris par la 2e division blindée du général Leclerc.

Le 24 août les forces françaises sont aux abords de la ville mais la résistance allemande empêche d'y entrer. C'est en passant par un raccourci amenant à la porte de Gentilly que trois chars et un peloton de fantassin y entrent et se stationnent devant l'hôtel de ville. L'annonce de l'entrée dans Paris se répand, les combats se multiplient et les rues gardent le souvenir de ces hommes et femmes morts pour la libération notamment au travers des plaques commémoratives de marbre posées aux murs le long des rues. Le 25 août, Von Choltitz, gouverneur de Paris, accepte de capituler, il n'a pas obéi à Hitler qui exigeait la destruction complète des monuments parisiens en cas de chute de la ville. Le lendemain De Gaulle descend ces mêmes Champs-Élysées que l'occupant avait descendu en fanfare un jour d'été 1940. A la fin de l'été 1944, la bataille de Normandie aura fait plus de 110 000 morts, civils comme militaires.