"Si l'on se refuse souvent à voir dans le roman gothique l'origine du fantastique, c'est parce que l'apparition ainsi que la définition du fantastique sont, en France, traditionnellement attachées à l'oeuvre d'Hoffmann."4 Auteur d'un grand nombre de contes dont le plus célèbre est "L'Homme au sable", E.T.A. Hoffmann est surtout un romantique. Et c'est aussi ce titre qui explique l'influence immense qu'il eut en France, surtout après que Madame de Staël eut publié De L'Allemagne, en 1810, un ouvrage consacré aux auteurs germaniques. Les Allemands sont en effet engagés dans l'exploration du monde de la rêverie et Hoffmann avec ses figures d'automate étrangement doué de vie, de miroir ou de chanteuse à la voix miraculeuse les représentent très bien.
La question du double, la présence du diable brouille la frontière instable entre rêve et réalité. Du point de vue stylistique, cela se traduit par des modifications permanentes de points de vue, grâce aux artifices des lettres ou manuscrits de différentes sources. Ainsi, le lecteur navigue entre des points de vue réalistes, objectifs de personnages secondaires et le point de vue du héros principal qui dans le cas de "L'Homme au sable", sombre peu à peu dans la folie. Cela crée une atmosphère des plus inquiétantes et l'on ne sait jamais dans quelle mesure la crise de la subjectivité du personnage transforme le réel. On comprend alors mieux pourquoi Freud s'est emparé de cette nouvelle pour ses travaux psychanalytiques sur "l'inquiétante étrangeté".
A partir de 1829, date de la première publication des Contes d'Hoffmann en français, l'auteur allemand va avoir une influence énorme sur les Français et suscite un grand engouement qui se traduit par la publication croissante d'œuvres fantastiques de tous types. Ce n'est qu'après la découverte d'Edgar Allan Poe par Baudelaire, dans les années 1860, que faiblit cette adulation, qui aura tout de même duré 30 ans. D'autant qu'Hoffmann ne sera pas oublié par la suite : Offenbach met ainsi les Contes en musique dans les années 1880. Balzac, Gautier, Mérimée et même Alexandre Dumas furent touchés par cette influence hoffmanienne ce qui fait du fantastique une expression littéraire dominante.
Autre événement important, un an plus tard, en novembre 1830 : Nodier, qui lui s'est déjà affirmé dans ce genre, fait paraître, dans la Revue de Paris, un article sans précédent sur ce qui sera dés lors dénommé officiellement le fantastique, il est intitulé "Du fantastique en littérature". Ce type de littérature y est présenté comme un refuge, un recours contre "les repoussantes réalités du monde vrai", et en effet, nous l'avons vu, son apparition correspond aux débuts de la société industrielle, et donc au moment où le règne de la raison s'impose à tous grâce aux progrès immenses de la science.
Castex5, observe ainsi à propos de Nodier, "l'univers fantastique offre un refuge à tous ceux que déçoit et décourage le siècle nouveau ; il englobe toutes ces contrées où l'imagination des poètes s'aventure, loin des contraintes qu'imposent la raison, l'expérience commune, les moeurs, les règles de l'art ; il répond, en somme, aux impatiences et aux exigences de la génération romantique."
Que ce soit Nodier qui publie cet article n'est pas étonnant quand on sait que c'est lui, qui dés 1821, publie le premier conte fantastique en France, Smarra, rapidement suivi de Trilby en 1822. "[Le fantastique] est l'art de parler à notre imagination en la ramenant vers les premières émotions de la vie, en réveillant autour d'elle jusqu'à ces redoutables superstitions de l'enfance que la raison des peuples perfectionnés a réduites aux proportions du ridicule.6"
Considéré comme le chef-d'oeuvre de Nodier, ce conte imprégné de mysticisme et de poésie répond au principe selon lequel nous sommes perpétuellement entre deux mondes.