Placée aux bords de Seine, à l’ouest de Rouen, l’abbaye de
Jumièges est célèbre pour son architecture particulière pour l’époque et son histoire
faite de rénovations et de destructions. Le temps, malgré les ravages qu’il engendra, a laissé
d’imposantes ruines qui traduisent encore la force de Dieu que l’on voulait invincible.
L’importance du site tient encore au fait qu'elle témoigne de l’importance de la pensée
chrétienne et du monachisme normand à une époque où la France n’était pas encore
complètement christianisée.
A l’origine fondée en 654 par Philibert, un ancien noble de la cour du roi Dagobert, l’abbaye
prend de l’importance pour ensuite grandement souffrir des destructions humaines. Ainsi, au IXe siècle,
les Normands pillent le site et, comme toute abbaye regroupant des richesses convoitées, il ne restera rien des premiers
édifices. Le site est laissé ensuite à l’abandon jusqu’au jour où, dit-on, le duc Guillaume
Longue Epée, tout en chassant, tombe sur deux ermites priant dans les ruines. Mais la véritable renaissance de
l’abbaye date du début du XIe siècle : reconstruite, elle est inaugurée en 1067 par l’archevêque
de Rouen en présence du roi Guillaume le Conquérant, celui qui soumis l’Angleterre la même année.
Parmi les ruines, celles de l’Eglise Notre-Dame sont les plus imposantes. Elle reste l’une des plus
anciennes de Normandie. Bâtie dans un style pré-roman, elle fait preuve d’une étonnante maîtrise
architecturale pour une époque où les constructions religieuses restaient en général assez lourdes
et austères. C’est ainsi entre autres que son vaste porche à tribune donne une impression de gigantisme inhabituel.
Quant au style gothique, son apport des XIIIe et XIVe siècles est nettement
visible, mais il ne remplace pas pour autant l’origine romane de l’édifice. Les deux styles se marient alors habilement
et montrent, comme les photographies le présentent, la forte pérennité du site à travers tout le
Moyen-âge.
La rénovation ne touche à tous les aspects de la construction mais aux principaux, c’est
ainsi que le chœur a été rebâti avec cette inspiration nouvelle. D’autres modifications eurent lieu par
la suite durant l’époque moderne mais les traces sont maigres. Après l’embellissement vient la destruction
apportée avec la révolution puis le dynamitage du chœur en 1802. Enfin, les flèches qui couronnaient
les deux tours de l’entrée s’écroulent en 1830 (voir en haut de page la représentation de l’Eglise
Notre-Dame avant l’écoulement).
Des fouilles en 1927, son classement en tant que "monument historique" et l’acquisition du
site par l’état en 1947 permettent à l’abbaye de Jumièges de pouvoir désormais jouir d’une retraite
méritée et l’homme rend enfin hommage à ce lieu qui a longuement souffert de la brutalité des
hommes.