Clio et Calliope
La culture en un clic

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La peinture sur vase en Grèce

L'art géométrique L'art orientalisant La figure noire La figure rouge


L'origine de la civilisation grecque vient de la civilisation mycénienne. Du XVI e au XII e siècle, elle a laissé un foisonnement de chefs-d’œuvre dont la porte des Lionnes ou le masque funéraire en or, dit d’Agamemnon, ne sont que deux maigres exemples. Mais les Doriens, peuple du nord, anéantissent la civilisation mycénienne ce qui portera un coup bas à son art. Celui-ci entre dans le début du XI e siècle dans une période dite des âges obscurs ou le moyen-âge grec. Peu d’informations sont connues sur cette époque, l’art grec tombe dans une uniformité quasi totale et les échanges via la Méditerranée disparaissent. Le X e siècle poursuit l’agonie de l’art, en Attique est lancé un nouveau style de céramique appelé proto-géométrique en raison des formes dessinées sur les céramiques.

Très abstrait, l’art proto-géométrique ne compte que très peu de formes utilisées, à peine une petite vingtaine alors que la civilisation Mycénienne en connaissait plusieurs centaines. Ce premier vase montre les principales décorations réduites à de simples cercles ou demi-cercles concentriques, accompagnés de bandes ondulées ou rectilignes. La pauvreté des motifs et la monochromie indiquent le malaise de l’art grec ,qui, même s’il naît au Xe siècle des cendres de l’art mycénien, reste encore bien précaire, bien fragile et bien peu esthétique. L’art grec a besoin de passer par des étapes transitoires, il ne peut passer de la rigueur pré géométrique à la finesse de l’époque classique.

L’ART GEOMETRIQUE :

L’art proto-géométrique se poursuit jusqu’au début du IXe siècle pour laisser place à un progrès dans la représentation des formes et dans la qualité de la peinture : l’art géométrique. La diversité des motifs réapparaît : l'amphore de droite est un exemple de l’art géométrique mûr ou moyen (850-800). Trouvée à dans un cimetière d’Athènes, elle mesure 77cm et avait une fonction funéraire puisqu’elle contenait les restes d’une femme. Les détails décoratifs sont plus soignés, l’artiste a rempli la surface de décorations. Dents de scie (en bas), chevrons (en haut), méandres, sont les motif récurrents de l’art géométrique, l’artiste les duplique à l’infini. Quant aux formes habituelles, les cercles ou les lignes, ils n'ont plus l'expression simpliste du proto-géométrique.

L’art grec ne serait pas celui que l’on connaît si son inspiration ne trouvait pas son principal motif dans la figure humaine. Jusqu’au VIIIe siècle, l’homme n’apparaît pas dans l’art grec. Avec ce vase athénien, dont on voit ici un détail, daté d’environ 760, on assiste à la naissance de la céramique figurative, progrès fondamental qui va décupler les possibilités artistiques de la peinture grecque. Sa panse représente l’une des deux étapes de la cérémonie mortuaire en Grèce antique : prothésis ou l’exposition du mort. Ce rite mortuaire se définit par une scène de lamentation nettement perceptible autour du défunt avec ses proches qui placent leurs bras à la tête en signe de douleur et d’affection tandis que d’autres se font signe. Ces détails et ce souci de réalisme donnent vie et dynamisme à la scène.

La réapparition de la figure humaine reste cependant bien timide de même que sa représentation est grossière. Les corps, très filiformes, ne rompent guère avec la tradition géométrique, bustes triangulaires, jambes à peine ébauchées, bras fins, les personnages restent stéréotypés. Bien que la superficie de cette scène reste faible au regard de l’ensemble, les personnages sont placés au centre pour souligner l’importance d’une telle scène. Mais peut-on réellement parler d'expressivité humaine pour une céramique dont la figuration vient, certes animer la rigueur géométrique, mais dont la part est si faible au regard de l’ensemble? Quant aux motifs décoratifs, les artistes en ajoutent de nouveaux, les lentilles entre autres (petits losanges au niveau du haut du pied). Il est cependant incontestable que l’art grec est en pleine expansion. Il a trouvé avec la figure humaine le chemin qui l’amènera aux belles représentations classiques faisant du corps humain et de sa beauté la source d’un réalisme saisissant.

Vingt ans plus tard, la figure humaine s’impose puisqu’elle couvre désormais l'ensemble de la panse. Son dessin reste encore grossier mais on note déjà une amélioration. Le déclin des formes géométriques est nettement commencé et derrière lui il faut voir le déclin de l’art géométrique en général. A cette expressivité humaine s'adjoint l'essor du monde grec qui amène son peuple, par l’intermédiaire du voyage, à cottoyer d'autres cultures. De ce mélange va naître un nouveau style, dit "orientalisant".


L’ART ORIENTALISANT :

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Avec l’art orientalisant, l’art grec rentre dans une époque intermédiaire entre le géométrique et la période classique, il s’agit de l’art archaïque qui s’étend de 720 à 480. Entre la reprise du commerce méditerranéen et le développement de la colonisation grecque, la civilisation grecque connaît un essor par l’échange culturel et commercial entre les civilisations de la mer intérieure. Des vases égyptiens se retrouvent dans les ports grecs et les artistes découvrent de nouveaux décors, de nouvelles teintes qu’ils imitent. L’influence orientale commence au VIIIe siècle surtout dans les arts mineurs (orfèvrerie, ivoirie) mais ne s’impose véritablement qu’à la fin du siècle. Deux ateliers se concurrencent alors, Athènes qui déjà connaît un relatif prestige acquis avec l’art géométrique et Cor inthe qui se développe.

A Athènes, les motifs orientaux viennent s'insérer dans le contexte grec. Des lors, on trouve fréquemment des animaux orientaux, un sphinx ou une scène relatant la chasse aux lions. Cette loutrophore conservée au Louvre est l'un des plus beaux exemples de cet art orientalisant. Datée d’environ 700, elle servait à transporter le liquide qui laverait le mort. Le peintre, dont on connaît le nom, Anatalos, a donné ici une certaine consistance à l'homme, les corps sont plus sveltes, les jambes plus fines, et le visage davantage détaillé. Le peintre va même jusqu’à différencier les hommes des femmes en peignant les premiers en noir et les secondes avec des points et des robes. L'incision discrète fait apparaître les détails de la crinière du cheval.

L'influence orientale est également visible par les motifs décoratifs : les volutes renversées, les végétaux en forme de rosettes ou des tresses (sur le col de la loutrophore) remplacent les formes géométriques qui disparaissent définitivement. Les figures humaines tranchent avec le fond rouge brin de l’argile ce qui crée un contraste permettant la mise en valeur du personnage. Le développement de la figure humaine s’illustre dans la représentation des épisodes de la mythologie grecque, source d'informations capitales pour la découvrir et la connaître.

Si Athènes et Corinthe regroupent à elles deux la grande majorité de la production de vases, la production artistique de vases peints s’étend à toute la Grèce tant dans les Cyclades (îles au sud de la mer Egée) qu’en Asie Mineure. Ce bref regard sur la production des ateliers " secondaires " commence avec Rhodes. Comme la plupart des autres ateliers, Rhodes a suivi les mêmes courants artistiques que le continent mais il existe un certain décalage entre les deux lieux puisque, par exemple, au moment où l’art orientalisant s’épanouissait à Athènes, l’art géométrique était encore de rigueur à Rhodes. C’est ainsi que la figure humaine n’est pas aussi utilisée et les artistes Rhodiens préfèrent dans la seconde partie du VIIe siècle des scènes animales au détriment des scènes humaines. Comme d’oe nochoé (vase à vin) le montre à droite, les animaux dont le fameux sphinx à ailes sont accompagnés de motifs de remplissage, croix gammées ou rosettes. Bien que cette peinture soit agréable, le principal défaut de l’œuvre tient dans la répétition sans fin de la scène et l’absence d’animation qu’elle inspire.

Quant à la céramique crétoise, l’art orientalisant s’ouvre tôt, vers 730, alors qu’il est presque inconnu à Corinthe. On va même jusqu’à supposer que c’est de Crète que les incisions sont nées puis importées à Corinthe. Mais ce début prometteur va vite s’estomper et la céramique crétoise s’essouffle dès 680 au moment où Corinthe et Athènes créent leurs plus belles œuvres. La jarre funéraire à trois pieds, photographie ci-contre, date d’environ de cette époque. On remarque la faiblesse et la simplicité d’un décor composé de bien peu de figurines. L’influence géométrique est encore très présente alors que ce courant n’existe plus à Athènes depuis la fin du siècle précèdent : lignes au pied du vase, d’autres en " zig zag " sur la panse. Quant aux autres ateliers, ils restent en retard et leur production est souvent plus une copie qu’une création en elle-même ce qui n’empêche pas quelques réussites qui donne vie à l’art de la céramique des îles grecques.

Cette supériorité  du continent sur les productions insulaires s’amplifie avec l’invention et surtout le développement de la technique dite de la figure noire, l'une des deux techniques les plus célèbres de l'art grec pour la céramique. Cette technique consiste à représenter les personnages en noir sur fond clair avec un grands nombre d’incisions. Elle sera l’objet d’une grande concurrence entre Corinthe et Athènes durant presque deux cents ans. Si la première ville l’invente, la seconde va la maîtriser.

LA FIGURE NOIRE :

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Corinthe, dont l'importance au sein du monde grec est réduite au IXe siècle avant JC, grandit grâce l’art orientalisant. La place géographique de la ville, sur l'isthme qui porte son nom, fait d'elle un carrefour commercial qui la met en contact direct avec l’Orient. L’influence orientale est telle à la fin du VIIIe siècle que Corinthe adopte même les formes des vases orientaux. Aux formes, s'ajoutent des motifs : tresses, cerfs ou griffons.

Mais c’est au cours du VIIe siècle que la ville s’impose grâce à l’invention de la figure noire qui lui permet de monopoliser le marché à grande échelle. Cette technique amène une réponse aux préoccupations des artistes corinthiens qui travaillent énormément sur des vases miniatures demandant plus de finesse et de précision. Il faut en effet dessiner sur une surface dix fois plus petite que pour les loutrophores athéniennes et une telle réalisation nécessite une technique propre. La figure noire répond à ce besoin.

Elle s’obtient en trois étapes. La cuisson du vase se fait à four ouvert permettant une cuisson oxydante mettant en valeur la couleur claire de l’argile (beige, rouge). La seconde cuisson est réductrice, c’est-à-dire à four fermé. L’oxygène étant limité au sein du four, le vase devient noir puisque le carbone se dépose. La dernière cuisson est de nouveau oxydante (on ouvre les évents sur le four) pour que le vase redevienne rouge. Les motifs ayant été précédemment peints en noir restent dans le ton d'origine. Si cette troisième cuisson est arrêtée trop tard, les motifs risquent de virer au rouge malgré la peinture, d’où l’extrême habileté et l’expérience, dont le potier doit faire preuve à chaque cuisson. Plus que le peintre, le potier est responsable de la réussite générale du vase.

Le premier vase, à gauche, est l’aryballe dite de Mac Millan. Sa forme à tête de lion, son décor, une scène de guerre où se mêlent guerriers à terre et cavalerie et sa taille très réduite, 7 cm, en font un exemple parfait de l'art orientalisant et miniature de Corinthe. C'est toute la maîtrise condensée du potier et du peintre contenu en 7 petit centimètres.

Le second est considéré comme une des plus belles réussites de l’atelier corinthien. On parle même de style magnifique tant cette céramique est la plus soignée du VIIe siècle. Le vase de Chigi, tel est son nom, daté de 640-630 a été trouvé à Veios, au nord de Rome. Le détail montre la double scène peinte sur sa surface. Dans la partie supérieure se déroule une bataille tandis qu’en-dessous une partie de chasse à lion monopolise chiens et hommes. Bien qu’il ne s’agisse que d’un fragment, on remarque l’extrême habileté de l’artiste qui multiplie les incisions, de la crinière aux nattes des cavaliers. La figure noire est ensuite importée à Athènes qui ne va lui permettre de produire des vases de qualité qu’à la fin du VIIe siècle, laissant à Corinthe une large avance technique dans ce domaine.

Mais cette avance s’achève rapidement puisque qu’au siècle suivant, Athènes fait progresser la figure noire en lui faisant connaître de grands progrès dans les techniques de cuisson ce qui permet d’obtenir un fin contraste en accentuant le brillant noir des figures. La multiplication des incisions et l’adjonction de rehauts de couleurs donnent aux dessins une plus grande expressivité. A côté des progrès purement techniques, le choix de la figure humaine insérée dans le contexte mythologique rend le succès si considérable pour Athènes que Corinthe ne parvient pas à suivre et tombe plus dans une imitation que dans une créativité propre. L’un des plus beaux exemples de cette peinture mythologique se remarque avec ce vase du peintre et potier Exékias. C’est à lui que l’on doit le choix de ne représenter qu’un seul épisode mythologique plutôt que de développer de longs récits. Daté d’environ 540, il représente Achille et Ajax jouant au dès au moment où la guerre de Troie fait rage. Les deux héros semblent bien plus concentrés par leur jeu que par les événements qui les rendront célèbres.

Bel exemple de la maîtrise de la figure noire, il est aussi l’exemple de la fin de cette technique qui commence à s’essouffler à la fin du VIe siècle, victime de son incapacité à évoluer. Mais c’est surtout l’invention d’une autre technique qui permet de développer l’expressivité de la peinture qui va définitivement marquer la fin de la figure noire. Cette technique, dite de la figure rouge, est inventée vers 530 par le peintre et potier athénien Andokidés.

LA FIGURE ROUGE : Haut de page

Le principe de cette technique repose sur l'opposé de celui de la figure noire : le peintre représente les personnages en clair et le fond est vernissé de noir. Cette invention va considérablement améliorer le réalisme de la peinture décorative sur vase et va permettre à Athènes d'acquérir une renommée sans égal au sein du monde grec, puisque ses vases seront diffusés au-delà de la Grèce continentale, jusqu’aux Grecs d’Italie du sud et chez les Etrusques du nord. Les premiers peintres adoptant cette technique sont influencés par le même courant d’inspiration et de conception. La figure rouge possède des caractéristiques qui la différencient fortement de la figure noire. Elle introduit des améliorations importantes qui permettent de pousser plus loin les limites expressives de cette peinture attique. Ainsi, le fait de laisser la couleur claire en figure simplifie la peinture puisqu’il n’est plus nécessaire d’employer des rehauts de couleurs. De plus, les incisions sont remplacées par le dessin au trait, un pinceau fin, plus souple et qui peut marquer l’expression des visages et le détail de la musculature avec plus de précision : le peintre n'est plus graveur. C’est toute une recherche de perfection tant dans le dessin que dans le façonnement même du vase que l’on observe à la fin du VIe siècle à Athènes. La supériorité de la peinture à figure rouge a découragé toute concurrence. Parmi les grands peintres athéniens à figures rouges, le premier à présenter est bien sûr celui qui inventa cette nouvelle technique. Il s’agit d’Andokidés, le premier praticien connu des figures rouges, en activité de 530 à 515 environ.

Formé initialement à la figure noire, Andokidés marque la transition entre les deux techniques à travers la réalisation de peintures bilingues, c'est-à-dire dont une face est peinte sur fond noir et l'autre sur fond rouge. C’est ainsi qu’il reprend la scène d’Exékias, commentée au-dessus en appliquant la figure rouge. L’inspiration de cette peinture se diversifie puisqu’elle ne se concentre plus uniquement sur la mythologie. Les scènes de la vie courante, de palestre ou banquet joyeux sont d’autres sources artistiques. Le choix de telles scènes n’est pas anodin et l’artiste voulait peut-être transposer sur le vase un idéal athlétique, viril qui se manifeste par la présence de jeunes athlètes en exercice. Le détail de droite d'un vase du peintre Cléomélos d'environ 510 montre un jeune grec en exercice physique. Cet idéal viril, cette force physique brute qui met en lumière la beauté d’un corps humain s'illustre sans doute bien plus avec Euphronios qui privilégie le rendu anatomique comme s’il avait étudié profondément l’anatomie avant de peindre. Il ne s’agit pas d’une juxtaposition d’éléments anatomiques mais le travail vise à donner une impression d’ensemble, à donner vie au corps, à rendre compte des mouvements dans l’espace, à traduire l’expression des visages.

Le cratère où Héraclès lutte contre le géant Antée,présent ci-contre et conservé au Louvre est une création novatrice d'Euphronios. La scène représente la fin du combat où le géant halète. La chevelure régulière et soignée d’Héraclès contraste avec celle d’Antée, qui elle, est ébouriffée. Ce contraste est accentué par un autre qui tient à l’expression des visages des deux protagonistes. Celui d’Héraclès est impassible comme insensible devant l’effort alors que celui d’Antée est tendu, les sourcils contractés, la bouche entrouverte ce qui traduit non seulement la fatigue engendrée par un tel combat, mais également l'agonie qui en est issue.




La figure rouge a de longues heures de gloire devant elle, et tout le Ve siècle sera celui de son épanouissement qui donne à la peinture sur vases ses lettres de noblesse. Il aura fallu cinq siècles de recherche avant d’arriver à un tel degré d’expressivité, à un tel niveau de représentation du monde réel comme de l’univers mythologique. Au cours du IVe siècle, la peinture donne encore de belles réalisations mais elle tombe rapidement dans l’oubli, victime de son incapacité à évoluer de nouveau. Durant l’époque hellénistique, qui commence à la fin du IVe siècle, la peinture ne plaît plus autant, elle se perd et ne sera redécouverte que vingt siècles plus tard.