Corinthe, dont l'importance au sein du monde grec est réduite au IXe siècle avant JC, grandit grâce à l’art orientalisant. La place géographique de la ville, sur l'isthme qui porte son nom, fait d'elle un carrefour commercial qui la met en contact direct avec l’Orient. L’influence orientale est telle à la fin du VIIIe siècle que Corinthe adopte même les formes des vases orientaux. Aux formes, s'ajoutent des motifs : tresses, cerfs ou griffons.
Mais c’est au cours du VIIe siècle que la ville s’impose grâce à l’invention de la figure noire qui lui permet de monopoliser le marché à grande échelle. Cette technique amène une réponse aux préoccupations des artistes corinthiens qui travaillent énormément sur des vases miniatures demandant plus de finesse et de précision. Il faut en effet dessiner sur une surface dix fois plus petite que pour les loutrophores athéniennes et une telle réalisation nécessite une technique propre. La figure noire répond à ce besoin.
Elle s’obtient en trois étapes. La cuisson du vase se fait à four ouvert permettant une cuisson oxydante mettant en valeur la couleur claire de l’argile (beige, rouge). La seconde cuisson est réductrice, c’est-à-dire à four fermé. L’oxygène étant limité au sein du four, le vase devient noir puisque le carbone se dépose. La dernière cuisson est de nouveau oxydante (on ouvre les évents sur le four) pour que le vase redevienne rouge. Les motifs ayant été précédemment peints en noir restent dans le ton d'origine. Si cette troisième cuisson est arrêtée trop tard, les motifs risquent de virer au rouge malgré la peinture, d’où l’extrême habileté et l’expérience, dont le potier doit faire preuve à chaque cuisson. Plus que le peintre, le potier est responsable de la réussite générale du vase.
Le premier vase, à gauche, est l’aryballe dite de Mac Millan. Sa forme à tête de lion, son décor, une scène de guerre où se mêlent guerriers à terre et cavalerie et sa taille très réduite, 7 cm, en font un exemple parfait de l'art orientalisant et miniature de Corinthe. C'est toute la maîtrise condensée du potier et du peintre contenu en 7 petit centimètres.
Le second est considéré comme une des plus belles réussites de l’atelier corinthien. On parle même de style magnifique tant cette céramique est la plus soignée du VIIe siècle. Le vase de Chigi, tel est son nom, daté de 640-630 a été trouvé à Veios, au nord de Rome. Le détail montre la double scène peinte sur sa surface. Dans la partie supérieure se déroule une bataille tandis qu’en-dessous une partie de chasse à lion monopolise chiens et hommes. Bien qu’il ne s’agisse que d’un fragment, on remarque l’extrême habileté de l’artiste qui multiplie les incisions, de la crinière aux nattes des cavaliers. La figure noire est ensuite importée à Athènes qui ne va lui permettre de produire des vases de qualité qu’à la fin du VIIe siècle, laissant à Corinthe une large avance technique dans ce domaine.
Mais cette avance s’achève rapidement puisque qu’au siècle suivant, Athènes fait progresser la figure noire en lui faisant connaître de grands progrès dans les techniques de cuisson ce qui permet d’obtenir un fin contraste en accentuant le brillant noir des figures. La multiplication des incisions et l’adjonction de rehauts de couleurs donnent aux dessins une plus grande expressivité. A côté des progrès purement techniques, le choix de la figure humaine insérée dans le contexte mythologique rend le succès si considérable pour Athènes que Corinthe ne parvient pas à suivre et tombe plus dans une imitation que dans une créativité propre.
L’un des plus beaux exemples de cette peinture mythologique se remarque avec ce vase du peintre et potier Exékias. C’est à lui que l’on doit le choix de ne représenter qu’un seul épisode mythologique plutôt que
de développer de longs récits. Daté d’environ 540, il représente Achille et Ajax jouant au dès au moment où la guerre de Troie fait rage. Les deux héros semblent bien plus concentrés par leur jeu que par les événements qui les rendront célèbres.
Bel exemple de la maîtrise de la figure noire, il est aussi l’exemple de la fin de cette technique qui commence à s’essouffler à la fin du VIe siècle, victime de son incapacité à évoluer. Mais c’est surtout l’invention d’une autre technique qui permet de développer l’expressivité de la peinture qui va définitivement marquer la fin de la figure noire. Cette technique, dite de la figure rouge, est inventée vers 530 par le peintre et potier athénien Andokidés.