Ce que l'on trouve en fouille

Les archéologues s'attaquent manuellement à un site après que l'excédant de terre a été dégagé par la pelle mécanique qui s'arrête dès que les premiers témoins effleurent du sol. Reste ensuite à mettre à jour les différentes parties visibles auxquelles s'ajoutent de nouvelles, jours après jours. En voici certaines mises à jour dans le cadre de la fouille d'une villa gallo-romaine de Sées.

Les dépotoirs

Au bord des murs de la villa, deux dépotoirs ont été trouvés. Il s'agit d'un espace de déchets de la villa. Comme il n'existait pas de système d'évacuation des déchets quotidiens, les habitants accumulaient la vaisselle cassée, les restes alimentaires, les éléments vestimentaires ou de maquillage au même emplacement. En livrant peu à peu son lit d'informations, un dépotoir est particulièrement révélateur des habitudes quotidiennes des occupants. C'est ainsi que la qualité des poteries est un élément pour juger de la nature sociale des habitants mais surtout elle donne une indication précise sur la datation de la villa en question tandis que les restes alimentaires (coquilles d'huîtres blanches, ossements d'animaux, restes de graines) informent l'archéologue des habitudes alimentaires.

Les fondations et l'intérieur

Le dégagement des fondations périphériques et intérieures à la villa permettent de supposer un premier plan à vue d'œil et de suite mise en dessin (voir plus bas le plan réalisé pour l'article). La structure la plus ancienne est rectangulaire, premier état d'occupation en 1 sur le plan. Les fondations sont conçues en pierres en grès, à peine taillées, liées à la chaux à certains endroits et ont une profondeur modeste d'une quarantaine de centimètres, ensuite vient le substrat naturel sableux comme le montre la photo. A l'intérieur de ce rectangle, plusieurs trous de poteaux indiquent l'emplacement de cinq à six pièces séparées entre elles par des murs en matériaux périssables. Il s'agit du plan intérieur de la villa mais rien ne permet de définir la nature des pièces mises à jour. L'arasement des labours, la pelle mécanique et le temps ont fait disparaître les éléments qui auraient pu servir à définir la nature de chacune des pièces. Cependant, à certains endroits, l'équipe dégage une décoration murale réalisée sur un revêtement de chaux. Le mur était peint de lignes vertes et rouges sur un fond et jaune-blanc (photo de droite). Mais la faible importance des restes empêche une reconstitution fidèle de cette décoration intérieure.

S'ajoute ensuite à cette première partie rectangulaire, un espace, dont la fonction précise était indéterminée dans un premier temps, servant de lieu de combustion (4) et une salle jointe supposée comme étant un hypocauste (3), c'est à dire un système de chauffage central mis au point par les romains. Cet ensemble forme la deuxième phase d'occupation. Cet espace est constitué d'un foyer servant à procurer la chaleur nécessaire, elle même diffusée par des canaux dont la hauteur dépend des pillettes, petits blocs carrés qui disposés l'un sur l'autre, permet de donner la hauteur de la structure et de la soutenir. Mais là encore, le temps et l'arasement les ont fait disparaître. Il ne reste de cet hypocauste que la partie solide et plate, la plus en profondeur et confectionnée en "béton romain". La présence d'un second foyer (2) &a grave; l'opposé du premier soulève une interrogation sur la véritable nature de cette structure désignée comme un système de chauffage. Une autre interprétation évoque que ce système de chauffage soit des thermes privées et la présence de deux foyers s'expliquerait par un foyer destiné à la chambre chaude et l'autre pour entretenir la température de la chambre tiède. Mais les éléments trouvés ailleurs et qui donnent des indications sur la qualité sociale moyenne de cette villa ne nous permettent pas de croire, dans un premier temps, à cette théorie. Si les propriétaires avaient à investir dans un agrandissement de leur habitat, il semble raisonnable de penser qu'ils préféreraient davantage un hypocauste que des thermes, le premier étant nécessaire et pratiqu0e le second facultatif et luxueux. 

Cet emplacement est assurément plus récent et se remarque à l'agencement des pièces de fondations. Celles de la partie 1 sont constituées de grès alors que celles de l'hypocauste et du foyer qui s'y rattache sont en calcaire. De plus il n'y a pas d'imbrications entre les deux fondations mais elles s'arrêtent juste l'une au contact de l'autre.

Autres structures

Le site présentait d'autres structures qui peuvent très bien se retrouver dans d'autres sites de même nature. La première structures pouvait faire penser à une sépulture dans la mesure où elle était délimitée en surface par une rangée de tuiles plates (tegulae) posées verticalement. En fouillant, il s'est avéré qu'il s'agissait d'un bac d'extinction de chaux (5) qui a du servir à la construction de la villa. Le fond et les parois étaient recouvertes de chaux éteinte. C'est à partir de ce type de témoin que l'on peut utiliser la stratigraphie afin d'étudier les différentes couches d'utilisation du bac. Celle-ci a d'ailleurs révélé plusieurs superpositions, de la chaux d'abord puis des déchets comportant des ossements d'animaux, de la céramique commune et gauloise, de la sigillée (céramique de luxe romaine dont voici un exemple de tesson en photo).

D'autres structures apparaissent : les fondations d'un carré d'environ un mètre de côté, un puits (6) et d'autres éléments dont l'identification n'est pas aussi évidente.

La fouille de la "pars urbana", c'est à dire de la partie résidentielle de la villa, était alors presque achevée. L'année suivante, l'équipe est allée fouiller la "pars rustica", la partie d'exploitation de la villa c'est à dire ses dépendances, ses lieux de stockage et les différents outils servant à la production agricole. Une seconde campagne nécessaire qui permet d'avoir une vision complète de l'ensemble du site.

L'indéterminé

Chaque découverte ne suscite pas toujours une identification précise et bien souvent, le dégagement d'un espace engendre l'indétermination de la fonction de celui-ci. Dans le cas de cette fouille a été mis à jour à quelques mètres des limites du lieu d'habitation un ensemble de tuiles romaines plates (tegulae) séparées entre elles par de la chaux (voir photo de la structure). Rien, au moment du dégagement ne permet une certitude : la chaux et les tuiles étant des matériaux de construction de base, il est possible qu'il s'agisse d'un abandon d'un excédent de matériel mais rien n'est certain. Une autre explication veut qu'il s'agisse d'une zone ayant servi à la construction de la villa et au dépôt de chaux vive.

 

Des fouilles privées dans une optique de propriété personnelle réalisées parfois avec méthodes radicales au dégagement et à la conservation d'aujourd'hui, l'archéologie a gagné en efficacité et apporte toujours plus dans la recherche et la connaissance des civilisations passées.

Trous de poteaux, tessons, ossements, stratigraphie ou datation, l'archéologie engendre des découvertes, elle dispose de techniques et méthodes précises permettant de mieux connaître un aspect que les seules sources écrites ne suffiraient pas à connaître.

Le chantier décrit ici s'inscrivait dans une campagne d'étude archéologique portant sur l'ancienne "civitas" de Sées et de sa proche région. Si ce site était modeste de part l'arasement prononcé qui a réduit les indications, il n'existe pas de fouille inutile. Cette villa rentrait dans une base de données enrichie par les fouilles d'autres sites permettant de dresser une carte des exploitations agricoles de la région durant toute l'occupation romaine. Les progrès technologiques contribuent à accentuer la précision et la qualité des informations recueillies, mais là encore, la question du budget reste essentielle.