Prospection
Toute fouille commence par une campagne de prospection, c'est à dire l'identification d'un lieu en tant que potentiel site archéologique. Pour ce faire, les archéologues usent de deux méthodes, la prospection au sol, la plus répandue, et la prospection aérienne, utilisée depuis les années 60. La prospection au sol consiste à former une ligne humaine progressant sur un champ afin de trouver des traces ramenés au sol par les labours (morceaux de poterie essentiellement) et nettoyés par une pluie qui les rend plus visibles.
Quant à la prospection aérienne, elle révolutionna l'archéologie. En avion ou en hélicoptère, les traces d'une occupation passée peuvent être nettement plus visibles. C'est ainsi que les fondations de pierre d'un site donné ou tout autre témoin d'importance (fossé ou souterrain) jouent sur la topographie du terrain et sur le développement des pousses qui s'y dégagent (schéma ci-dessus), d'où les traces visibles au sol sur la photo de droite. La différence de couleur ou de niveau des pousses dessine donc l'emplacement d'un possible site d'autant plus que le traçage au sol est amplifié par la lumière rasante du soleil des fins et début de journée. Reste ensuite à s'y rendre afin de vérifier sur place.
En 1995, une campagne de prospection au sol est lancée dans le département de l'Orne en vue de recenser les sites antiques à fouiller dans les années à venir. Parmi les sites révélés par la prospection au sol existent, juste à côté de la ville de Sées, plusieurs lieux de fouilles envisageables. En août 2000, une équipe s'apprête à fouiller l'un de ces sites que chacun pense être une villa gallo-romaine, c'est à dire un lieu d'exploitation agricole et d'habitation.
Planigraphie :
Sur ce site comme sur un autre, il n'est pas question d'aller creuser ici et là au bon vouloir de chacun et de transformer le site en champ de bataille. Il est nécéssaire, la plupart du temps, de fouiller en planigraphie, c'est à dire de manière horizontale, centimètre après centimètre dans un carré déterminé par le carroyage du site. Le fait de carroyer consiste à quadriller le chantier par des fils posés à même le sol afin de délimiter des espaces égaux. Chaque objet découvert est automatiquement placé dans un sac correspondant au carré dans lequel il a été trouvé.
Bien que la planigraphie soit une technique fiable pour la préservation des objets, une fouille est par nature même destructrice, c'est à dire que ce soit par l'usage de la pelle mécanique qui débute souvent le creusement d'un site jusqu'à la simple truelle, tout est susceptible de casser un tesson (morceaux de poterie), un clou ou un autre témoin qui apparaît subitement sous les coups répétés des truelles. Dégagé, placé dans le sac correspondant au carré du carroyage, l'objet trouvé sera ensuite nettoyé sur site afin de lui redonner son aspect initial. Dans certains cas, il est possible de percevoir sur un tesson de possibles indications discrètes. C'est ainsi que sur un fond de vase, peut être découverte l'estampille du potier qui a réalisé la vaisselle en question. En consultant un ouvrage de référence faisant l'inventaire des noms de potier et du type de céramique une telle indication donne une date approximative et la provenance de la céramique. Tout élément trouvé n'est pas forcement un élément majeur mais l'ensemble des découvertes contribue à donner des indications importantes et les tessons, comme on vient de le voir, peuvent être un apport important d'informations.
Dans le cas précis de la fouille de Sées, l'objectif était de se rendre compte de l'importance de la villa c'est à dire le nombres de ses dépendances, la superficie et la qualité du logement , de la dater pour ensuite comparer les résultats avec d'autres fouilles de villas menées dans la région et ainsi établir une carte de la production agricole pendant toute l'occupation romaine.
Stratigraphie :
La stratigraphie est la seconde manière de fouiller un espace . Elle permet de mettre en évidence différents états d'utilisation du même site, les strates de l'histoire superposées les unes aux autres. Il s'agit de creuser la moitié de l'emplacement à fouiller et de laisser l'autre telle qu'elle se trouve. Le résultat, en terme d'informations, varie selon la nature du site, la qualité de la terre et les témoins retrouvés. Une stratigrapie peut être très parlante dès que plusieurs couches visibles se superposent mais en cas de mauvaise conservation, les archéologues peuvent avoir du mal à identifier les différentes étapes d'occupation. L'image ci-jointe présente un foyer à proximité des fondations de la villa, une légère stratigraphie a été engagée afin de sonder l'importance de ce témoin. Importance réduite, la stratigraphie est de faible profondeur, les couches étaient peu nombreuses (2 ou 3) et correspondaient à un même moment, celui de la construction de la villa.
Datation :
Il existe deux types de datation, celle qui se réalise sur le site même et celle qui se déroule en laboratoire lors d'analyses. La datation sur site est dite "relative" car elle ne peut permettre un résultat précis et se fonde sur les éléments trouvés. Les tessons, sont un indicateur important et simple dans la datation relative car il suffit ou de faire appel à ses propres connaissances ou de comparer l'objet trouvé avec un ouvrage de référence contenant les formes et autres détails décoratifs caractéristiques de telle ou telle époque. D'autres éléments trouvés peuvent aider dans la datation relative comme les fibules (agrafes pour vêtement).
La datation relative est bien souvent la seule que les archéologues utilisent, d'abord parce qu'elle permet une chronologie fiable mais également parce que la datation par expérience en laboratoire suppose un coût que les budgets ne permettent pas toujours.
Dans le cas de la fouille de la villa, la datation relative a permis de connaître le temps d'occupation du lieu. Une villa construite au début de l'occupation romaine et qui perdure dans le temps. Les invasions de la fin du IIIe siècle n'ont pas causé sa perte, elle ne sera abandonnée qu'à la fin de l'Empire au Ve siècle.
Quant à la datation par laboratoire, la technique du carbone 14 et celle de la dendrochronologie sont les plus utilisées et les plus connues.
La datation par carbone 14 se base sur une vérité scientifique. Tout objet vivant dispose d'une teneur en carbone dont il existe plusieurs types, le carbone 14 en est la forme radioactive. Cette teneur en carbone 14 diminue avec le temps de manière constante dès la mort de la matière utilisée pour la confection de l'objet. Avec des appareils de mesure, il est possible de déterminer la teneur en carbone 14 d'un objet aujourd'hui et de la comparer avec celle estimée au moment de sa confection. Le rythme de diminution de la teneur en carbone 14 est admis à une perte de 50% en 5700 ans mais à cela doit s'ajouter d'autres réalités physiques, comme la production atmosphérique de carbone 14, qui modifient la donne et empêchent un résultat exact. On estime la marge d'erreur à 30-50 ans mais plus l'objet est ancien, plus la marge s'accroît. Le carbone 14 sert à dater tout objet en bois, contenant du charbon de bois, les coquillages, les os ou une couche archéologique dont on a prélevé une partie anciennement organique.
La seconde méthode la plus utilisée est la dendrochronologie. Elle n'est utile que pour dater les éléments de bois par comparaison entre le morceau étudié et un prélévement actuel du même type de bois. Un arbre porte les marques de sa maturité à travers les anneaux qui chaque année augmentent en nombre. En comparant plusieurs échantillons, il est possible d'établir une chronologie permettant de remonter à plusieurs millénaires. Cette technique est aussi utilisée comme outil complémentaire de l'analyse donnée par le carbone 14.
Qu'elle que soit la fouille ou l'époque du site, ces techniques, qui sont les principales, restent les mêmes et c'est en les observant avec rigueur et précision que le site livre ses informations. Ainsi, entre respect des techniques et délicatesse dans la maniabilité de la truelle, il est possible de mettre à jour des traces aussi étonnantes qu'improbables comme, lors d'un chantier sur une nécropole médiévale, la marque d'une pelle que le fossoyeur avait faite pour agrandir un emplacement pour accueillir un nouvel occupant.